[ PV Maryvette Martini ][ Terminé ] ~ Portail individuel et univers parallèle : elles et ailes [ Suite ]

Sam 1 Mar 2014 - 23:02

**Un air mélodieux teinté de gaieté d'un piano et de violons se faisait entendre dans le lointain.

Zhixue sursauta. Un œil, puis deux. Elle avait ouvert les yeux. Un brouillard épais camouflait la couleur du ciel et les environs. Notre protagoniste se redressa. Etonnée. Elle ne ressentait rien. Un vide de sentiments et d'émotions positives comme négatives. Aucune douleur. Aucune sensation. Elle se leva, puis s'épousseta. Son bras ... Ses côtes ... Aucune blessure. Avait-elle trépassée ? Cela était fort probable en vue de la situation insolite qui se présentait sous son regard aiguisé. En effet, le paysage était d'une coloration bleue claire. Du brouillard en passant par la terre, le ciel et les arbres. Elle était au milieu d'un champ. Un champ d'orges. Elle toucha un épi. Le détacha. Vraiment aucune sensation. Elle s'avança quelques mètres, puis se mit à courir. A sprinter. De toutes ses forces. Elle n'entendait pas sa respiration, ni le son de ses longues foulées sur le sol. Tout n'était que silence à part cet air de piano jeté dans les airs. Sa course effrénée la mena finalement à un immense lac. Aucun poisson. Aucun oiseau. Aucun insecte. Seule. Dans un étrange univers bleuté. Zhixue se pencha pour contempler son reflet. Mais elle se sentit tirée par l'arrière ... encore une fois.**

Zhixue sursauta. Un œil, puis deux. Elle avait ouvert les yeux. Une lumière aveuglante lui les fit refermer aussitôt. Lorsqu'elle réitéra sa manœuvre oculaire, cette dernière se retrouva nez-à-nez avec une singulière personne. Le premier mot qui lui vint à l'esprit pour qualifier la femme qui lui faisait face était celui d'arlequin. Avant que son cerveau ne réagisse pour se reprendre et ainsi qualifier la demoiselle de bohémienne. Face à cette vue peu rassurante, Zhixue s'enfonça au plus profond de son lit.

Dim 2 Mar 2014 - 16:16

"Une semaine. Une semaine que je ne suis pas partie de la clinique, que je n'ai pas fermé l’œil plus de vingt minutes d'affilée. Une semaine que je m'investis corps et âmes pour sauver la demoiselle. Son état s'est stabilisé il y a quarante-huit heures, mais tant qu'elle ne sera pas réveillée, il y aura toujours un risque majeur. Le café est mon meilleur allier. Le sommeil mon pire ennemi. Pourtant, je ne me sens pas fatiguée. De mémoire, je n'ai jamais vu quelqu'un dans un tel état. J'observe le corps immobile. La poitrine se soulève difficilement. Respiration laborieuse, à cause des côtes cassées. La clinique est étonnamment bien équipée, et c'est à toutes les machines qui prolongent son corps qu'elle doit la vie. L'électrocardiogramme indique un rythme régulier, les tuyaux des perfusions forment une toile d'araignée géante. La morphine, la nutrition parentérale, l'alimentation en sang et en liquides en tout genre. Je n'ai jamais assez remercié mamans pour tout ce qu'elles m'ont appris. Je ne quitte pas ma patiente des yeux, de peur, peut être, qu'elle ne parte si je détourne un instant mon regard. Je regarde d'un œil distrait la pendule accroché au-dessus de la porte. Dix heures et demi. Bientôt l'heure de changer ses pansements et les perfusions. La lumière filtre par les fenêtres closes. Un rayon vient caresser le visage de ma jeune patiente, dont j'ignore presque tout, si ce n'est qu'elle est médecin, qu'elle s'appelle Zhixue, et qu'elle pourrait bien être un ange tombé du ciel, au vu de son état général."

~

Maryvette est debout. Devant la fenêtre. Un verre de café bouillant entre les mains. C'est son sixième de la matinée. Elle boit une nouvelle gorgée, grimace en sentant le liquide amère lui brûler la gorge. D'un geste, la jeune femme engloutit le reste de café, et jette le cadavre en plastique à la poubelle. Son regard se pose à nouveau sur le visage pâle de sa patiente. On pourrait la croire morte si...

Brusquement, l’électrocardiogramme s'affole. Les lumières commencent à clignoter, signe que le cœur de la demoiselle est en train de lâcher. Il faut en moyenne une seconde à un homme en forme pour réagir. Il en fallut bien moins à Maryvette pour comprendre ce qu'il se passait. Elle attrapa son matériel et commença immédiatement à faire le nécessaire, le visage détendu, comme si elle avait fait ça toute sa vie. Elle sentait la jeune blessée s'en aller vers un monde inconnu. Mais Maryvette ne comptait pas échouer.

- C'est hors de question, murmura-t-elle. Je ne te laisserais pas partir comme ça !

Et après plusieurs minutes d'une lutte acharnée, les cris des machines affolées stoppèrent. Maryvette était penchée sur le corps de sa patiente, qui était à moitié nue - soins obligent. Elle vit deux jolies yeux en amande s'ouvrir et la regarder d'une façon étrange. La demoiselle esquissa un mouvement de recul, et Maryvette fut tellement surprise qu'elle tomba en arrière et s'écroula sur le sol de la clinique. Après quelques secondes de silence, elle explosa de rire. C'était un rire où se mêlait joie et soulagement. Elle avait réussi ! La jeune femme se releva et replaça ses immenses lunettes sur son nez.

- Bienvenue parmi nous, Zhixue.

Mar 4 Mar 2014 - 20:39

Pendant un court instant, la disparition de la jeune femme aux vêtements et cheveux diaprés de son champ de vision lui fit douter de son existence réelle. Puis un éclat de rire se fit entendre. Cela fit sursauter Zhixue. Le rire de soulagement teinté de jovialité provenait du sol, là où les draps blancs faisaient obstacle à sa vue. Elle réapparut comme par magie, avec ses lunettes d'hypermétrope qui lui mangeaient le haut du visage. Elle était atypique, brisant ainsi l'harmonie des classiques murs blancs d'hôpital. Zhixue ne trouvait absolument pas drôle la situation et s'enfonça encore plus profondément dans le matelas. En réalité, elle était extrêmement fatiguée et ressentait une douleur atroce au niveau de ses côtes malgré la morphine. Elle n'avait jamais eu d'os brisés. Mais la douleur était si présente et si entêtante que la jeune femme devinait parfaitement l'état de ses côtes.

« - Bienvenue parmi nous, Zhixue. »

Ce n'était pas du mandarin. C'était un accent étranger, bien qu'elle comprenait parfaitement la langue. Cet accent si particulier. Un fugace souvenir lui vient en esprit. Des éclats de rire. Un bruit cristallin de verres qui s'entrechoquent. Une voix. La voix de son père. "Aaaaah ! Du Saint-Emilion. Voilà le meilleur grand cru français. Du vin bordelais." A l'époque, ces paroles sonnaient étrangement. Maintenant, elle réalisa que c'était du français. L'accent de cette femme bariolée était typiquement français. Peut-être un accent sudiste. Il y avait de la chaleur dans sa voix.

Zhixue voulait répondre, mais une vicieuse quinte de toux remplaça les mots qu'elle allait prononcer. Cela lui fit plus de mal que de bien, en vue de l'état pitoyable de ses côtes. Elle serra les dents ainsi que ses poings. Les jointures blanchies trahissaient l'intensité de ses doigts resserrés dans ses paumes bandées. Des larmes de douleur lui montaient aux yeux. La douleur était si insupportable. Zhixue, faisant preuve d'un professionnalisme remarquable, réussit tout de même à articuler :

« - Volet costale ? »

Dim 9 Mar 2014 - 17:20

Maryvette était penchée au-dessus de la jeune blessée, qui semblait revenir d'entre les morts. Elle arborait un sourire béat, comme si elle même avait du mal à croire au miracle qui se jouait sous ses yeux. Elle avait tout donné, tout ce dont elle était capable afin que la jeune femme se réveille, mais elle ne pensait pas... Non, elle ne pensait pas que ça fonctionnerait. Et pourtant, la médecine peut apparemment faire des miracles. Maryvette repoussa sur son nez ses grosses lunettes qui grossissait ses yeux marrons, et recula un peu, pour laisser sa patiente respirer.

Cette dernière paraissait effrayée, ou du moins, surprise. Et Maryvette le comprenait parfaitement. Sa façon d'être et de vivre pouvait surprendre. Elle était si colorée, si extravertie, si joyeuse et si rayonnante. Dans ce monde de brute, où les gens étaient sans cesse triste, ou le ciel était bien trop souvent gris, le contraste était surprenant. Mais Maryvette se sentait bien. Oui, elle était bien ainsi, elle se sentait libre, elle se sentait Elle.

- Volet costale ?

Maryvette sortit de ses pensées, et fixa la jeune femme. Médecin, observatrice. Un léger sourire teinté de confusion effleura le visage de Maryvette. La jeune femme prit la liberté de s'asseoir sur le bord du lit, avant de parler.

- Oui. Il y a quatre côtes cassées. Toutes du côtés gauche. La quatrième, la neuvième, la dixième, et la onzième. J'ai crains une plaie viscérale abdominale, mais tu as eu beaucoup de chance. Cela fait une semaine que tu es dans un état critique, mais je pense que tu es sortie d'affaire à présent. Il y a eu un traumatisme crânien, mais on a évité le pire. Le bras gauche est cassé, mais on a prit les blessures à temps. Il te faut du repos, et ça devrait aller. Enfin, je n'ai pas besoin de te le dire. Tu es médecin après tout.

Maryvette marqua une pause.

- Au fait, je ne me suis pas présentée. Je suis Maryvette Martini, médecin en chef de la clinique d'Etiopia, sage femme et guérisseuse.

Lun 10 Mar 2014 - 14:52

Maryvette avait débité d'une traite le détail des blessures dont souffrait Zhixue. Sans sourciller, comme si elle avait appris par cœur la tirade. La blessée hocha la tête, impassible, analysant rapidement et méthodiquement les informations une par une. Cela faisait une semaine qu'elle était grabataire et la jeune femme bariolée était absolument envahissante. En effet, en s'asseyant sur le lit, la guérisseuse avait réduit son champ de vision de moitié. Elle n'avait plus vue sur la porte. Plus de vision optimisée sur un possible danger provenant de l'entrée.

En outre, la bohémienne en savait trop sur elle, notamment son nom et sa profession. L'essentiel entre autre. Mais savait-elle qui elle était vraiment ? Cela était à la fois fort probable comme peu probable. Les journaux chinois avaient très bien mis en valeur son nom sur toutes les pages pratiquement, mais Zhixue savait également que les autorités chinoises recrutaient des gens hautement qualifiées et étrangers sans les mettre au courant des affaires intérieures. Et les étrangers généralement ne savaient aucunement lire les idéogrammes.

C'est alors qu'une myriade de questions survient dans son esprit. Etiopia. Où était-ce ? L'Ethiopie ? Non. La femme arc-en-ciel n'était pas noire. De plus, Zhixue se trouvait dans un grand lit blanc et propre, entourée de technologies civilisées rutilantes et étonnamment de dernière génération. En effet, du coin de l'oeil, la grabataire avait noté l'hémodialyse dans le coin de la pièce. Ainsi que quelques sets d'hémofiltres. C'était des HF1000/HF1400. Les nouveaux. Les plus performants à ce jour. Heureusement qu'elle ne souffrait point d'une insuffisance rénale.

Puis, Maryvette ... en voilà un prénom étrange ! Mais la blessée étira un mince sourire à l'idée de faire un trait d'humour dans une situation complètement absurde et articula :

« - Malyvette rime avec le baguette. Enchantée. »

Zhixue, malgré le son grave et doux de sa voix, ne pût atténuer son accent horrible en parlant français. Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait plus pratiqué. La jeune femme constata qu'elle avait toujours autant de mal à prononcer les [R] et les roulaient en des [L] et espérait ne s'être aucunement mélangée entre les noms communs masculins et féminins.

Lun 10 Mar 2014 - 19:47

- Malyvette rime avec le baguette. Enchantée.

Maryvette la regarda avec des yeux ronds et tenta de retenir son fou rire avec le professionnalisme qui convenait à son rang. Cependant, elle pouffa et plaqua une main sur sa bouche, avant de bafouiller une excuse maladroite. La jeune femme arc-en-ciel observa la blessée avec une attention toute particulière. Elle laissa son regard effleuré ses cheveux en bataille, ses yeux en amande, son visage typé.

Ses yeux reflétaient des sentiments contradictoires, comme si elle était partagée. Peut-être était-elle effrayée par l'explosion de couleur que reflétait Maryvette. Peut-être la prenait-elle pour une folle. Peut-être encore n'avait-elle pas confiance envers elle. Comment peut-on avoir confiance en un spécimen tel que Maryvette ? C'était souvent tout ou rien. Parfois la maladresse et la joie de la jeune femme touchait, au point qu'on était à l'aise avec elle comme si on la connaissait depuis toujours. Et d'autres fois, on se méfiait de ce personnage trop coloré pour être réel et authentique.

Pourtant, s'il y avait bien une chose qu'on ne pouvait pas retiré à Maryvette - outre son excentricité et son mauvais goût prononcé - c'était son authenticité. La jeune femme n'avait pas la prétention de se croire unique en son genre - bien qu'elle le fût probablement. En revanche, elle arborait avec fierté les nombreuses couleurs qui représentaient, selon elle, la vie.

- Parle dans ta langue natale. Il n'y aucun besoin que nous parlions la même langue pour nous comprendre. Nous sommes beaucoup à parler des langues différentes. Anglais, français, néerlandais, chinois, japonais, allemand, russe, espagnol,... Quelle importance ? Tu pourras comprendre tout ceux que tu croiseras.

Maryvette se leva finalement, et alla à la fenêtre. Elle ouvrit le rideau en grand, offrant une vue d'ensemble sur la place du village, et notamment, le portail. Elles étaient au deuxième étage de la clinique, aussi surplombaient-elles tous les bâtiments alentours.

- Au cas où tu te poserais la question - et je sais que tu te la poses -, je vais essayer de t'expliquer où est-ce que tu as atterri.

Un immense sourire éclaira son visage et elle pointa son index à l'ongle grossièrement peinturluré sur le portail.

- Nous venons presque tous d'ici. Le portail. C'est le seul moyen d'entrer à Etiopia. Mais c'est aussi un aller simple. Etiopia est un village, sur une île... Flottante ? Comme le dessert !

Les yeux de Maryvette s'étaient illuminés lorsqu'elle avait prononcé ces mots, et elle lâcha un léger rire.

- Cette île est gardée par quatre sortes de... Personnes ? Êtres ?

Elle se racla la gorge et énuméra en s'aidant de ses doigts, les yeux plus brillants que ceux d'un enfant le jour de noël.

- Il y a les agents de sécurité, qui résident dans le centre là bas, la maire de notre village, Misato. Il existerait également des gardiennes, et même des déesses qui veilleraient sur nous toutes. Même si je n'en ai jamais vu, je trouve l'idée que tout ceci soit magique formidable !

Mar 11 Mar 2014 - 15:40

Zhixue voyait la guérisseuse gonfler ses joues, puis rougir. Visiblement, cette dernière tentait tant bien que mal de refouler un éclat de rire provoqué par son affreux accent ou par son humour étrange, voire même les deux.

Pour autant, la blessée ne riait pas, restant ainsi impassible afin d'épargner ses côtes douloureuses. Maryvette regardait avec attention Zhixue. Avec ses énormes lunettes d'hypermétrope, cette dernière avait l'impression d'être scrutée par une hibou géante multicolore.

« - Parle dans ta langue natale. Il n'y aucun besoin que nous parlions la même langue pour nous comprendre. Nous sommes beaucoup à parler des langues différentes. Anglais, français, néerlandais, chinois, japonais, allemand, russe, espagnol ... Quelle importance ? Tu pourras comprendre tout ceux que tu croiseras. »

« - Vlaiment ? »

Notre protagoniste était dubitative. Comme si cela était possible de parler toutes les langues du monde. A moins de parler l'Espéranto. Et encore.

Puis Maryvette, emportée et exaltée présenta à Zhixue les alentours de la clinique.

La blessé commença à la prendre vraiment pour une folle lorsqu'elle entendit les mots "Portail, seul moyen", "île flottante", "dessert", "déesses", "magique". En effet, seules les personnes ayant perdues la raison peuvent croire à leur propre univers et mensonges et la guérisseuse bariolée était tellement authentique, naturelle. Zhixue pinça les lèvres. Elle était vraiment dans de beaux draps. Jusqu'au cou ... c'était le cas de le dire !

Elle était donc dans une clinique qui avait un nom de pays. Les médecins étaient fous. Elle avait un spécimen rare sous ses yeux. D'ailleurs, Zhixue ne la quittait pas des yeux une seule seconde. Au cas où Maryvette allait l'étrangler ou l'empoisonner avec elle ne savait trop quoi. Le plus sage à faire c'était d'entrer dans son délire sinon l'affaire risquait de mal tourner pour elle.

Il fallait absolument qu'elle guérisse au plus vite et ainsi pouvoir quitter cet endroit incongru afin de mettre de la distance, beaucoup de distance entre elle et la folle.

Elle entra donc dans le jeu de Maryvette et s'exclama d'un ton faussement enjoué :

« - Vlaiment ? Ho ! Incloyable ! Expliquez-moi plus en détails s'il vous plaît où je me tlouve »

La chose la plus importante à faire en terrain inconnu était de connaître son environnement, même s'il fallait se contenter des dires approximatifs d'une folle. Cela était toujours mieux que de ne rien savoir. Et ce genre de connaissances pourrait bien lui sauver la vie en d'autres occasions.

Toutefois avant que Maryvette ne puisse prononcer un mot, Zhixue sombra de nouveau dans les bras de Morphée, épuisée d'avoir eu cette petite conversation depuis son arrivée au portail d'Etiopia.