Un doux rêve! [LIBRE!!!]

Sofia cherchait inspiration en de nombreux lieux pour ses créations. La colline, de par sa quiétude et sa beauté à la fois simple et élégante n'échappait pas à ses critères de sélection, c'est donc au gré de ses envies qu'elle errait ici. Habillée élégamment, elle portait une longue robe, un chapeau mou et un foulard autour du cou. Les couleurs vives, mélange de jaune, de rouge et bleu, étaient un peu criardes mais s'accordaient parfaitement, telles les fleurs et le ciel se rencontrant à l'horizon par une fin d'été.

Cela faisait bientôt 20 bonnes minutes qu'elle était restée assise à admirer un grillon qui sortait timidement de son terrier, quand un coup de vent vint la perturber en s'accaparant son chapeau, qu'elle pensait pourtant bien vissé sur sa tête. Elle partit donc à sa poursuite, à la fois contrariée et amusé, et sur le chemin elle aperçut alors une jeune femme allongée. Sur le coup Sofia pensa tout naturellement que cette personne cherchait la même quiétude, donc elle ne voulut pas la déranger. Elle continua sa course jusqu'à ce qu'elle parvienne à récupérer son bien, puis recommença sa petite balade. Mais la curiosité était forte ! Oh que oui ... peut être une cliente de sa boutique qu'il fallait saluer, ou cliente en devenir ? C'en était trop, elle devait savoir.

Elle s'était quelque peut éloignée de son point de départ, mais fort heureusement les collines n'étaient pas gigantesques et la cible immobile. Après un petit moment elle trouva l'ingénue, qui était en train de roupiller comme une bienheureuse. Elle eut un sourire attendri et poussa un soupir. C'est à ce moment là que Rui sembla trembler: était elle réveillée ? Etait ce le froid de part sa tenue légère, ou simplement le hasard ? La couturière se sentit gênée, n'ayant rien pour l'aider à se réchauffer, un comble au vu de son métier. De plus elle n'avait tout simplement pas à se mêler de ce qui arrivait à une inconnue.

C'est beau, n'est ce pas ?

Et mince, elle avait parlé. Elle jura intérieurement de par sa maladresse. Elle aurait pu s'éloigner en catimini et faire comme si elle n'était jamais passée par là, mais non, c'est comme l'autre fois au bar, la voilà à faire l'intéressante. Comme si elle recherchait à tout prix le contact, une forme de reconnaissance. Peut être que son métier ne lui donnait pas assez de ce côté ? Elle était perdue dans ses pensées quand elle se rappela que la "gaffe" si c'en était une était faite, elle se reprit alors et enchaina (perdue pour perdue):

Je viens souvent ici. Pour le travail ...

Bon, c'est un début. Tu aurais pu aussi dire que tu venais pour te détendre, et ben raté. Allez poursuis Sofia, tu vas y arriver, un jour on te prendra moins pour une forcenée ! Pensa t elle pour elle même. Elle se tint alors droite et guetta une quelconque réaction de sa camarade improvisée.

Visiblement l'ingérence de Sofia ne semblait pas gêner l'inconnue. Elle répondait et semblait même acquiescer ! Ca par exemple. Face à un tel enthousiasme il serait une erreur de ne pas sauter sur l'occasion, donc la couturière redoubla de courage.

Cet endroit change tout le temps ... au gré du temps, du moment de la journée, des saisons ... peut être pas autant qu'une forêt mais ça reste pour moi une forte inspiration. enchaina t elle dans un sourire. Je m'appelle Sofia, je suis couturière.

Ce à quoi Kassie fit une réponse qui intrigua l'intruse. Elle réfléchit. Se détendre et s'évader ? Mince, elle avait réellement dérangé en fait. Elle bénit les cieux que sa camarade ne sembla cependant pas plus offusquée par ça. Elle semblait même très détendue, les bras en arrière, contemplant celle qui lui faisait face de manière nonchalante. Prenant cela pour une invitation à se taper l'incruste, Sofia approcha et réduit les derniers mètres qui les séparaient.

S'asseyant à quelque dizaines de centimètres afin de laisser une distance d'intimité, elle prit une place confortable dans l'herbe et poussa un soupir de contentement. Je cherche l'inspiration. Je suis couturière, je confectionne la plupart des vêtements que je vends dans mon magasin. A ce sujet, je suis désolée de ne pas avoir de rechange sur moi, tu dois commencer à avoir froid.

La vendeuse redoubla son sourire, attentionnée et avenante. Elle semblait sincère dans ses intentions bien que toujours aussi directe. Cela n'allait pas s'en tenir là puisqu'elle ajouta, toujours en mode pieds dans le plat:

Et toi ? Que fais tu dans la vie ? Tu es écrivaine ? Etudiante ?

Ce faisant, Sofia se tourna un peu plus vers Kassie afin de mieux la contempler. Les idées fusaient dans son esprit: était elle toujours habillée ainsi ? Allait elle souvent dans les collines ? Etait-elle du genre désinvolte ou juste libre comme l'air, tel un oiseau prête à tout moment à prendre son envol ? Quelle était sa couleur préférée ?

Elle réalisa soudain qu'elle était de nouveau en train de travailler et que décidément le magasin lui prenait trop de son temps. Elle rougit, un peu honteuse, puis détourna le regard. Hum, désolée, j'ai la tête ailleurs. J'espère ne pas t'avoir réveillée. finit elle par s'excuser.

Sofia remarqua que Kassie la fixait avec intensité depuis un petit moment. Enfin, le moment n'était pas si long, mais cette intensité faisait quelque peu perdre la notion de temps et un bref instant la couturière ne pensa plus boulot. La pensée était tout autre ...

Moi, élégante ?

Ce retournement de situation imprévu surprenait beaucoup Sofia. En effet en tant que commerçante c'était d'habitude l'inverse qui se produisait, elle complimentant, la cliente rougissant et/ou souriant, l'amenant petit à petit à préciser ses choix ou non choix vers les modèles exposés, le tout à moult renforts d'attentions et d'explications enthousiastes. Elle se trouva du coup un peu nigaude et ne put s'empêcher de rire, avant de s'excuser avec un franc parlé inchangé: Je fais tout ce que je vêtis et je suis perfectionniste, donc jamais satisfaite de ce que je porte ni comment je le porte ... et en plus je suis loin d'être sur mon trente et un !

Elle se mit à rougir d'un coup, mais ne s'en aperçut aucunement; elle était toujours à réfléchir comment aborder la suite de la conversation, car pour le coup elle était intriguée et enthousiaste. La joie de sa camarade était-elle contagieuse ? Difficile de le déterminer, autant d'énergie débordant de ces deux protagonistes au même endroit était peut être dangereux ! Chats noirs et autres mauvais présages pourraient passer un mauvais quart d'heure.

Dans tous les cas, enchantée Kassie. Écrivaine étudiante, donc. C'est bien, d'écrire ... ça permet de s'évader, mais personnellement je trouve ça un peu trop cérébral, j'aime manipuler la matière. Cachemire, Laine, Soie, Coton ... chacune avec des sensations différentes et des possibilités illimitées ! finit-elle par répondre. Elle se reprit aussitôt: Mais ne parlons pas trop de boulot. Si tu es là pour te détendre, je devrais faire pareil, non ?

Joignant le geste à la parole, elle s'allongea alors sur le sol et contempla le ciel en poussant un soupir. Elle jeta un coup d'oeil à Kassie et sa réflexion précédente refit son chemin: élégante ? L'étudiante à n'en pas douter était mignonne, peut être qu'elle ne s'en rendait pas compte et enviait une personne plus âgée qu'elle. Sofia la pipelette testa alors sa théorie dans un murmure: Un jour toi aussi tu seras fantastique ! Tout vient à point à qui sait attendre. En fait, tu es déjà fantastique, mais dans quelques années ... tu n'auras peut être plus personne à admirer, qui sait ?

Le ton des dernières paroles était un peu taquin, elle voulait la titiller un peu. Elle était persuadée que Kassie allait répondre par le rire et affirmer avec force que c'était dans ses intentions d'être effectivement au top !

Kassie semblait plutôt rayonnante. En comparaison de son état léthargique quelques minutes auparavant cela était assez inattendu, bien qu'amusant aux yeux de Sofia. La jeune fille semblait avoir mis son dévolu sur l'herbe à ses côtés et remua au point de frôler le bras de la couturière. Cette dernière se mit alors à rire. Ah ça pour se détendre, tu es détendue maintenant ! Je vais avoir du mal à te rattraper, c'était normalement à moi de me laisser aller, hein ...

La jeune fille se mit alors à parler à 100 à l'heure. Ses propos semblaient un peu bizarres, mais Sofia ne semblait pas choquée, ou gênée. Juste de plus en plus intriguée, se demandant si ses propos n'avaient pas mis mal à l'aise Kassie au final et que cette dernière se réfugiait dans un genre de mini hystérie.

Donc, à mon tour de faire une pause ... dit elle tout en prenant la main de Kassie. Derrière ce geste anodins aux yeux de la couturière se trouvait une simple manœuvre pour tenter de calmer l'excitée et limitant ses mouvements et en essayant de communiquer à travers les sens sa présence qu'elle voulait apaisée. Effectivement, Sofia était à présent allongée et respirait lentement en humant l'air. Elle souhaitait que Kassie lâche prise, tout bêtement.

Chut ... si tu veux réellement admirer la nature, alors profitons-en ... et calme toi, sinon tu vas exploser, huhu ... Elle se tourna vers Kassie et lui fit un clin d’œil, avant de retourner au ciel. Sofia relâcha ensuite tout doucement la main, guettant une réaction de sa camarade et espérant avoir passé le message: se détendre, oui, mais pas au détriment de l'autre !

Cela dit, cet enthousiasme, cette joie de vivre ... se retrouvait en elle. L'étudiante décidément lui plaisait beaucoup. Elle se revit en arrière, son ancienne vie, tout le temps stressée. Tout cela était loin, si loin. Elle se demanda ce que tous ces gens étaient devenus. Leur manquait-elle seulement ? Elle repensa à sa famille, dont elle n'avait plus de nouvelles bien avant cela, délaissée telle une malpropre car ses goûts pour le voyage étaient trop "dangereux". Elle repensa à l'avion et son nouveau départ. Un sourire aux lèvres se forma de plus belle. Elle se sentait vraiment bien ici. Beaucoup mieux.

Seul regret peut être, la plupart des rencontres à Etiopia (notamment les clientes du magasin) étaient parfois si éphémères, alors dans le cas de l'étudiante ça allait être sans doute la même chose. C'est sans doute pour cela qu'elle avait décidé plus que jamais de profiter du moment présent et de ne pas se préoccuper vraiment de cet état de fait. Elle était bien, voila tout. Elle rit de nouveau, sans raison particulière. Elle voudrait que ça dure et inscrire cela dans sa mémoire, tandis qu'elle se surprit à serrer la main de nouveau, bien qu'un peu mollement.

Kassie semblait enfin se calmer. Sofia l'observait du coin de l’œil, en train de trembler, d'exploser intérieurement, de gigoter, tel un bébé dans sa cage aux fauves ... l'image l'amusa beaucoup mais elle n'en montra rien. Ou disons que son sourire restait le même. La mer étant la nouvelle attraction du moment, la couturière se retourna à son tour pour contempler l'océan, bras croisés devant, affalée comme une loque. Les reflets étaient intéressants, particulièrement en ce moment de la journée où la lumière commençait à raser les surfaces et allonger les ombres. On aurait dit du satin, ou un genre de taffetas froissé.

Regarde. dit elle en pointant du doigt une forme sombre au loin. A cette distance il était difficile de savoir, mais en se concentrant un peu, on pouvait distinguer peut être un cétacé ... ou bien juste une ombre qui jouait avec l'imagination. Sofia se rapprocha un peu plus de l'étudiante, réduisant à peau de chagrin la distance entre les 2 observatrices. Elle continuait d'observer l'eau et de pointer tout ce qu'elle pouvait percevoir ou du moins le croire. Elle avait bien compris que Kassie s'émerveillait et s'agitait pour plein de sortes de choses, mais n'était pas vraiment sûre si c'était juste tout le temps ou en sa compagnie. Dans le doute la vendeuse s'était prise au jeu, elle n'avait rien à perdre, bien au contraire.

A ton tour de dégotter quelque chose ! lui lança-t-elle dans un défi. Ensuite, nous irons voir l'observatoire. J'espère que de là bas nous pouvons également observer la mer, ça serait chouette de valider nos hypothèses, tu ne penses pas ? Quant aux étoiles ... je pense qu'il faut attendre encore un peu, donc ne soyons pas pressées !

En fait, Sofia était déjà allée là bas, elle y trouvait inspiration pour certaines robes de soirée. Et puis, le ciel faisait un peu office de l'exploration ultime ... injoignable mais si magnifique. Un peu comme les cheveux en bataille de Kassie. Elle sourit de nouveau et secoua soudain sans prévenir sa propre tête afin de mettre sa chevelure en désordre, tout en éclatant de rire. Elle leva ensuite les bras vers le ciel et se mit à crier, sans raison particulière. Il faut croire qu'elle aussi avait envie d'exploser: son travail lui mettait tout de même la pression et les conditions de détente lui semblaient plus qu'idéales pour totalement se lâcher. Elle se remit sur le dos pour souffler, mais calculant mal son geste, roula partiellement contre Kassie. Oups, désolée ! rit elle, avant de reprendre un peu de distance.

"C'est décidé, la nuit va être longue !" pensa t elle. Ca faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu cette sensation, un peu comme si elle se redécouvrait. La couturière avait envie plus que jamais de continuer la soirée dans ces conditions.

Kassie se plia sans sourciller aux conditions exposées par Sofia: elle se mit à la quête de quelque fantaisie visible à l'horizon de l'eau paisible. Contre toute attente, la découverte était plutôt dans le genre film d'aventure violent avec plein de morts, mais après tout, pourquoi pas, c'était mieux que rien ... Lorsque Kassie lui demanda de se baisser elle s'exécuta donc promptement, non sans émettre un petit rire. A vrai dire, comme depuis le départ elle ne se moquait pas, ah ça non. Elle se laissait prendre, elle s'était mise à imaginer la même chose et à présent décelait avec précision la scène épique bien qu'un peu glauque qui leur faisait face. Elle se mit alors dans la peau d'un habitant qui verrait arriver à ses côtes un navire pirate armé jusqu'aux dents, groooar !!! Sauve qui peut ! Les femmes et les enfants d'abord ! Trop tard, ils ont débarqué.

Vite, fuyons ! s'exclama Sofia tout en esquivant avec médiocrité les attaques de brins d'herbe perpettrées sournoisement par Kassie. En se débarbouillant elle continua de crier AHHHH je suis touchée, je meurs ! et de s'étaler de plus belle au sol en imitant une morte, non sans pousser un râle au passage. C'est malin, va falloir me trainer à l'observatoire maintenant ... murmura t elle dans un sourire. La couturière était bien ancrée au sol et déterminée à ne pas bouger sans se défendre ... de tout son poids de morte !

Elle observa la réaction de l'étudiante du coin de l'oeil. Allait elle tenter quelque chose ? La trainer par une jambe, la chatouiller, ou bien aller voir si elle était réellement blessée. Voire ... tenter un bouche à bouche ? Elle eut vraiment du mal à ne pas exploser de nouveau de rire. Décidément, plus ça va et plus elle lui trouvait le même caractère, c'était tout bonnement démentiel. Elle coupa brièvement sa respiration. Juste pour voir. La vendeuse était dans l'expectative de tout et n'importe quoi et surtout, à des lieues de penser à son travail.

Tout ce qui importait, c'était de trouver une nouvelle facétie !

Sofia résista d'abord aux efforts de sa secouriste pour être trainée hors du champ de bataille. Les protestations de Kassie n'y faisaient rien, la couturière était dans une situation à priori sans issue ! Kassie revient alors auprès d'elle et la prit dans ses bras. Sofia sentit son souffle un peu court chatouiller sa nuque tandis qu'elle hésitait. L'étudiante semblait désemparée et prise d'une intense réflexion ! La proximité eut alors un effet bizarre ...

En effet Kassie avait une odeur loin d'être désagréable, et une présence, une attention particulièrement touchantes. Même si elle avait les yeux fermés, Sofia ressentait cela plus que jamais et soudain elle se sentit un peu honteuse d'avoir joué d'elle, se demandant si elle n'était pas allée un peu loin. Ou alors Kassie est bien meilleure actrice qu'elle. Ce contact en tous cas assez inhabituel était loin d'être désagréable. La vendeuse se laissait enivrer, voulait savourer ce moment ... elle entrouvrit la bouche, s'apprêtant à respirer de nouveau sous l'effet d'un relâchement, d'une détente plus que bénéfique, ...

hu hu hu ...

... quand soudain quelque chose vint "contrarier" ses plans. On venait de poser un bâillon sur ses lèvres. Un bâillon mutin qui la frit tressaillir de tout son être et lui donna l'impression de véritablement étouffer. Cette sensation électrique était paradoxalement des plus enivrantes, et incapable de réfléchir Sofia se laissa donc faire, privée de toute défense. Elle ne comprenait pas vraiment ce qui lui arrivait, elle toujours dans son travail, n'ayant pas vraiment aventuré dans ce genre de contrée, l'exploratrice venait d'obtenir un fabuleux trésor ! La détentrice était des plus appréciables, ce qui renforçait sa gêne et également son désir. Sofia voulut que Kassie reste ainsi le plus longtemps possible. Ce baiser était si doux ... nul doute que son amie avait découvert qu'elle y avait répondu avec ferveur car Sofia appuya sa bouche pour en apprécier toute la saveur.

Au moment où l'étudiante relâcha son étreinte, Sofia souleva sa tête hors du sol et l'invita à renouveler l'expérience. Ce faisant la couturière chercha également à rapprocher tout son corps afin de profiter encore plus de ce merveilleux contact. Il va de soi qu'elle avait recommencer à respirer, de façon un peu irrégulière, mais ce n'est pas à cause de l'apnée. Je ... réussit elle à murmurer. tu es ... poursuit-elle, les yeux toujours fermés et les joues à présent fort rouges.

Sofia n'eut pas la force de continuer, son esprit partait en vrille, elle ne savait plus vraiment quoi faire. A présent c'était une obsession, elle ne voulait plus la quitter. Kassie, elle la voulait, et tout ce qu'elle souhaitait c'est que ça soit réciproque, de façon aussi déraisonnable que leur précédente imagination galopante. Même l'observatoire et les étoiles étaient oubliés. C'était quelque chose de plus fort qu'une simple attirance physique, leurs échanges avaient initié quelque chose d'indéfinissable. Elle se mit à l'étreindre également de ses mains.

Kassie ...

Pour la première fois, quelqu'un avait pleinement répondu à son appel, un mélange de liberté, de folie et de joie de vivre. Et cette personne en voulait plus. Ou bien Sofia part totalement en vrille et c'était un vulgaire bouche à bouche, mais à cet instant précis, l'esprit embrumé de la couturière rejetait farouchement cette dernière hypothèse. Sofia voulait elle aussi du rêve !

Sofia avait rouvert les yeux et son regard était ardent et ne quittait plus celui de Kassie. Elle sentait son coeur battre, proche de l'explosion, tandis que son corps lui lançait d'autres signaux erratiques, en réaction aux caresses de sa partenaire. Que lui était il donc arrivé pour qu'elle se mette dans un tel état ? Ses pensées, décousues -un comble pour son métier-, répétaient en boucle des questions sans queue ni tête, et surtout sans réponse: ça va trop vite, elle te connait à peine, tu ne considères pas les risques, et si quelqu'un nous observait ? Cependant, une d'entre elles commençait peu à peu à faire son chemin: demain ne pouvait pas être pareil. Ce n'était juste pas concevable. Pas sans elle.

Cela faisait un petit moment que la vendeuse se cherchait, au profond d'elle même, et cherchait une âme soeur qui serait en harmonie et qui partagerait ses voyages et ses folies. Etiopa, lui avait on dit, était fait pour cela. Est ce que ça quête était accomplie ? Kassie pouvait elle réellement correspondre ? Ou bien profitaient elles toutes les deux d'un moment de faiblesse réciproque, deux femmes qui se plaisent et qui s'oublient sans espoir d'un lendemain ? A cette idée, Sofia fut soudain prise de panique. Elle se mit à craindre soudain de tout perdre. Qu'en fait ce n'était pas un rêve, mais une torture, parce qu'elle se réveillerait dans son lit, pour une nouvelle journée où elle verrait des amies en potentiel lui filer entre les doigts comme un rouleau de tissu tombé à terre.

Mais c'est à cet instant que Kassie prit les choses réellement en main et allongea son amie, tout en redoublant d'attouchements. Sa main sur sa jambe, son autre main qui remontait ... qui la frôlait ... elle poussa un nouveau gémissement. Oh ..., une expression basique mais emblématique de son émoi. Son corps contre le sien, ses mains ! L'étudiante à présent la fixait au dessus d'elle et lui posait une question muette mais on ne peut plus claire: pouvait elle continuer ? Le souffle coupé, elle n'avait pas la force de faire des phrases, en revanche elle eut une répartie toute trouvée: alors que Kassie s'emparait doucement du foulard, Sofia souleva sa main gauche et la posa sur la joue de la voleuse, la caressant du revers. Son autre main, qui entre temps avait glissé le long de son corps, se mit à remonter à la recherche du dos qui lui manquait, de façon très douce et à peine perceptible.

Kassie embrassa de nouveau, cette fois ci légèrement sur le bord. La miss libérée au niveau du cou se mit à sentir le froid mais le frisson qui suivit ne fut pas à cause de la température. La proximité lui redonna des forces pour s'exprimer de façon plus claire: la réponse est oui. Et tu peux garder le foulard ... Elle prit une inspiration un peu plus forte et rechercha de nouveau sa bouche, telle une mendiante. Les questions avaient définitivement quitté son esprit.

Ce jeu de conquête était à la fois enivrant et inquiétant. La couturière ne savait pas où cela la menait ni si elle était prête à voir le résultat. Tout ce qu'elle souhaitait c'était savourer ce moment ... cet instant magique.

Kassie fit alors une chose inattendue et prit un ton qui brisa l'ambiance. Lui recouvrant les yeux avec son foulard, l'attitude trahissait un changement de jeu. On aurait dit une manière pudique de se dire au revoir. Sa voix n'était plus aussi assurée, un bref instant même Sofia se demanda si son amie n'avait pas des regrets. Quid d'aller ensemble à l'Observatoire ? Allait-elle être finalement une de celles qu'elle ne vit qu'un moment dans son existence ? Etait-elle allée trop loin en acceptant ses avances ? Qui était la louve dans cette histoire ?

Non, il ne fallait pas briser cet instant. Peut être y a t il de l'espoir, jouons encore le jeu. Elle hocha de la tête en silence pour répondre à la demande de Kassie, tout en s'efforçant de sourire: elle ne retirerait pas le morceau de tissu. D'une certaine manière cela l'arrangea, comme cela elle put cacher ses yeux qui se mettaient à rougir. Elle attendit la suite, en essayant de mettre de côté sa nervosité, afin de retrouver la sensation qu'elle avait quelques secondes auparavant. Ce contact si doux, cette affection, cette manière, les paroles, c'était décidément un adieu, elle avait beau réfléchir, tout portait à l'indiquer. Non, elle ne voulait pas ! Les larmes lui montaient aux yeux. Non, ce n'est pas un adieu, je te retrouverai ! Sofia trembla légèrement.

Elle écoutait en silence les paroles, elle tâchait de ressentir le moindre souffle, le moindre contact, essayant de l'imprégner en son coeur, puis, au moment de se résigner à la perdre, la panique disparut. A la grâce d'un somptueux baiser. La peur sous l'impulsion de ce puissant charme disparut totalement. Elle se sentit radieuse, extatique, elle sut qu'elle s'était trompée. Qu'elle était une idiote. Ce n'était pas un adieu, non, c'était un nouveau défi, Kassie la défiait de s'emparer d'elle ou de s'offrir à elle. Comme une revue de mode à découvrir, ou un nouveau patron à expérimenter, mais dans un ordre de grandeur inégalé. Sofia fit un large sourire béat et se laissa envahir par la torpeur alors qu'elle écouta les dernières paroles qui s'évanouissaient, qui la bercèrent pour un bon moment ...

Malgré le soir, elle n'était plus que Soleil. Et même lorsque le vrai fut couché, Sofia était encore allongée sur l'herbe, sur l'expectative, telle une fleur tournée vers la lumière.