Déception [HIRO][FINITO]

Hiro souffla une longue trainée de fumée. Les nuits devenaient sacrément froides dans ce village. Mais ce n’était pas nouveau pour elle, c’était le deuxième hiver qu’elle allait passait ici. Il n’y avait pas de météo pour comparer les températures avec celle des 100 ans auparavant, nous signalant si on était dans les plus chaudes ou les plus froides depuis tant d’année. De mémoire, il lui semblait que c’était à peu près équivalant à l’an dernier. Il allait neiger sans aucun doute, elle ne pourrait pas continuer longtemps à rester dehors tard le soir. En fait, elle était déjà morte de froid mais n’oser pas rentrer. Tout simplement parce qu’il y avait quelqu’un qui l’attendait. Quelqu’un qui avait évoqué le fait de « subir les conséquences de ses actes ». Hiro regarda ses mains qui tremblaient comme des feuilles. Elle savait que ce n’était pas à cause du froid car elles tremblaient depuis des heures, depuis qu’elle avait lâché le coup de cette fille.

Hiro ne voulait pas rentrer et se retrouver face à Akane. La regarder droit dans les yeux et voir si elle pourrait lui pardonner. C’était quand la dernière fois qu’elle n’avait pas pu rentrer chez elle ? C’était il y a 3 ou 4 ans. Elle ne savait même plus. Le temps avait perdu toute sa valeur depuis que ses parents l’avaient renvoyé du nid familial. La seule différence c’est qu’elle n’avait pas été coupable cette fois là. Entre temps elle avait fait un joli paquet d’erreurs sans jamais en payer le prix. D’ailleurs, elle ne serait jamais punie pour ses crimes. Jamais elle ne se lèverait devant un barreau sombre après qu’on lui ait dit « accusé levez-vous ». Jamais elle n’aurait à croiser le regard plein de haine et de larme d’une mère dont elle aurait tué l’enfant, ni d’une femme, ni d’un fils, ni d’un frère ou d’une sœur. Au lieu de se sentir soulagé, elle se sentait au contraire très mal. Avant, quand elle vivait dans la rue, elle n’avait plus conscience de ce qu’elle faisait, elle voulait juste détruire tout ce qui l’entourait. Maintenant son passé lui paraissait invivable. Une part non négligeable d’elle voulait payer pour ce qu’elle avait fait mais une autre part d’elle ne voulait pas céder ce que ce village lui avait offert.

Mais pourquoi s’était-elle jeter sur cette fille ? Elle l’avait bousculé, Hiro l’avait poussé, puis s’en était venu aux mains et enfin elle avait dépassé les bornes. Même en y repensant, Hiro n’expliquait pas son geste. Elle avait le sang chaud de nature, ça c’était un trait de caractère qui n’allait pas disparaître, mais pas jusque là. En fait elle ne savait pas, elle ne savait pas non plus ce qu’elle allait dire à Akane quand elle allait bien devoir rentrer à l’hôtel. Hiro releva la tête pour contempler un moment les étoiles. Elle ne savait pas quelle heure il était mais l’idée de rentrer lui semblait de plus en plus nécessaire. Elle n’allait de toute façon pas passer la nuit dehors. Et puis il était peut être temps d’assumer ses actes en adulte, même si ça signifiait perdre Akane.
Hiro sauta du toit de la clinique où elle s’était réfugié pour tomber sur une benne à ordure fermée, par habitude elle savait se réceptionner sans se faire mal ni tomber, c’était un mélange précis entre se laisser porter par le mouvement et ne pas le laisser nous coller par terre. L’erreur était de rester rigide et de mettre toute la force dans la chute dans les chevilles voir dans une seule, il fallait au contraire laisser toutes les articulations prendre une partie de la chute, quitte à tomber sur le côté. En fait, Hiro n’en avait foutrement rien à faire mais y penser lui permettait pendant une seconde à autre chose qu’à cette fille, étendu sur le sol de la cours. Tout mais pas cette pensée.

Hiro fit tout le chemin de retour avec une conscience absolue du monde qui l’entourait, presque comme si elle était en voiture et cherchait des informations. Comme ça elle ne pensait plus du tout. Arrivé devant l’hôtel, tout son travail retomba d’un coup, ouvrant les robinets de ses pensées. Même si maintenant elle avait tellement pensée qu’elle n’arrivait plus à en suivre le fil. Arrivé devant la porte, elle secoua les mains, dans l’espoir vain qu’elles arrêtent de trembler. Elle jugea finalement que les garder dans la poche était plus judicieux. Elle ne toqua pas, ouvrit directement la porte. Hiro ne réussit pas à retenir un léger haussement de sourcil en voyant Akane étudier. Elle ne voyait pas le titre du manuel mais il s’ensuivit une vague apaisante, Hiro avait toujours aimé regarder Akane travailler, en fait elle aimait la regarder quand celle-ci ne la regardait pas, peut importe ce qu’elle faisait.

Hiro referma la porte derrière elle mais n’avança pas. Au lieu de ça elle s’affala sur cette même porte, tenant la poignée intérieure de ses mains tremblante, caché par son propre corps. Dans d’autres circonstances elle aurait rit à la réflexion d’Akane. Quelle idée de rester bloqué sur le seuil de la porte. Dans d’autres circonstances elle l’aurait refermé avec négligence et lui aurait tout de suite sauté dessus en disant « c’est pour mieux te manger ». Et Akane n’aurait peut être pas trouvé ça spécialement drôle mais elle l’aurait réprimandé parce qu’elle aurait froissé une feuille de son livre. Ou bien elle l’aurait prit dans ses bras. Ou bien… La vie est tellement belle au conditionnel. Dans la réalité, Akane ne leva pas la tête de son bouquin, Hiro resta collé à la porte et ce fut cette première qui brisa le silence que la délinquante n’aurait jamais pu briser elle-même. Hiro l’écouta avec une attention toute particulière, elle ne l’avait peut être jamais aussi bien écouté parce que sa voix lui parut étrangement claire et sonore. Même dans cette situation et à ce moment précis, Hiro ne pouvait pas s’empêcher d’aimer cette voix. Et même avec tout le risque que ça impliquait, elle allait continuer à mettre en pratique cette technique propre qui consistait à se tirer une balle dans le pied parce qu’elle était incapable de mentir à quelqu’un qu’elle aimait.

- Bien sûr qu’elle ne le méritait pas, personne ne le mérite. Je n’ai d’ailleurs pas essayé de la tuer. Je sais que c’est ridicule dis comme ça mais laisse moi finir. Tu te trompes quand tu dis que je vaux mieux…

Le début de son discours avait été fait la tête baissé vers ses pieds, mais elle l’avait relevé sur ce morceau de phrase, regardant Akane dans le plus profond des yeux pour ne plus la lâcher.

- … parce que c’est faux. Je n’ai vraiment pas fait exprès. Je ne me suis pas dit « tiens, étranglons cette fille ça va être marrant ». J’ai réagit et je n’aurais pas pu faire autrement. Je suis … dangereuse. Dangereuse parce que ce que l’ont fait tous les jours pendant un an fait ensuite partit de nous, latente. Parce que ce n’est pas pour m’amuser que je fais autant de sport mais par nécessiter d’extériorisé toute cette violence…. Je te dis ça mais tout ce dont j’ai envie c’est d’être tranquillement avec toi, toute cette violence je n’en veux plus depuis longtemps mais on ne décide pas de quoi on est prisonnier. Je vais devoir vivre toute ma vie avec tous ses sentiments. Avec l’incapacité à faire face à mes parents, avec une haine profonde de ce que les mêmes mains qui te touchent ont pu faire avant… ça ne partira juste jamais.

Hiro se demandait franchement avec quel force elle pouvait encore tenir debout. Ca tenait du miracle à l’état pur. De la même manière, ses yeux étaient parfaitement secs. En fait, la seule marque de son trouble se montrait par les tremblements frénétiques de son corps tout entier qu’elle était incapable de maitriser.

- Je ne dis pas ça pour te faire du mal tu t’en doute. Je te dis ça pour que tu ne vives pas dans le mensonge. J’ai encore besoin d’aide, ce n’est pas du tout fini. Mais si tu le veux bien, je voudrais continuer d’avancer avec toi.

Hiro sourit pour mieux cacher sa blessure d’orgueil. Il n’était pas vraiment dans sa nature d’aimer se faire appeler « peste prétentieuse », comme beaucoup de gens d’ailleurs. Mais la situation n’était pas propice à la contestation et il y avait sûrement beaucoup de vrai dans cette définition. D’après Akane, il fallait donc qu’elle devienne autre chose qu’une délinquante. Elle ne voyait pas quoi et l’idée de n’être attacher par rien de différent des autres avait quelque chose de terrifiant. Elle avait passé beaucoup trop de temps à se prendre pour quelqu’un de supérieur et d’unique, presque comme un dieu. Devenir du jour au lendemain un individu lambda qui se démarquait des autres à travers les yeux d’un petit nombre de personne était effrayant.

La main qu’Akane fit jaillir devant sa tête la fit et relever la tête, et l’écarter. Evidemment elle se prit la porte mais elle n’avait pas mal outre mesure et l’ignora. Surtout que le contact de sa main contre celle d’Akane avait un effet radical. Malgré la discussion sombre qu’elles avaient, Hiro avec envie de resserrer ses doigts sur sa main pour la sentir plus proche de la sienne.

- J’ai besoin de quelque chose pour aller plus loin. Si je ne peux pas avoir de procès alors comment je peux retourner la balance de ma culpabilité ?

Hiro réfléchissait à voix haute mais sa question était belle et bien adressé à Akane qu’elle regardait maintenant droit dans les yeux, ne tremblant plus depuis qu’Akane avait soupiré. C’était sa manière à elle de dire qu’elle prenait en compte tout ce qu’Akane lui avait dit et que, plus encore, elle allait agir. Les choses avaient suffisamment trainé, son quotidien paisible lui plaisait beaucoup plus que cette soirée triste et un peu morbide. Elle ne voulait plus être de nouveau contrôlé par son passé. Kiralee n’avait fait que faire ressortir une menace latente dont même Hiro n’avait pas une grande conscience avant. Elle ne voulait plus de deuxième Kiralee, ni d’autre « dispute » de ce genre avec Akane.

- Je veux changer.

Hiro laissa tomber cette connerie de distance de pudeur. Elle n’avait aucune raison d’être pudique avec Akane alors que son seul désir était de la prendre dans ses bras, ce qu’elle fit doucement, pour ne pas la surprendre par la soudaineté de son geste.

- J’ai besoin de quelque chose pour aller plus loin. Si je ne peux pas avoir de procès alors comment je peux retourner la balance de ma culpabilité ?

Akane pouvait comprendre le besoin d’Hiro, et les questions que cela soulevait. Comment avancer si l’élément principal du problème restait sans conséquence ? La seule personne qui pouvait trancher c’était Misato, ou alors il faudrait qu’Akane tranche elle-même, qu’elle abandonne Hiro pour lui faire comprendre que ses actions n’atteignaient pas qu’elle ? Non elle ne pourrait pas faire ça, même si elle en avait envie.

- Je veux changer.

- Et nous trouverons un moyen de t’aider à changer –

Akane se laissa enlacer, elle avait beau essayé, elle n’arrivait jamais vraiment à être en colère contre Hiro, ou plutôt même si elle était en colère, son amour prenait le dessus et la forçait à presque tout lui pardonner. Bien sûr là il n’était pas question de lui pardonner son geste, pas immédiatement, mais elle savait bien qu’Hiro était aussi bouleversée qu’elle voire plus, alors elle n’avait pas le cœur et l’envie à la laisser mariner seule dans son bain d’idées noires.

- Peut-être que tu pourrais te mettre à la poterie, proposa Akane en souriant, ou alors tu pourrais travailler à l’animalerie, t’occuper de petites boules de poils ou d’écailles innocentes t’aiderait à changer ?

Elle se mit à rire doucement, elle en avait besoin pour évacuer toute la noirceur de cette journée. Il y avait des jours comme ça où tout semblait se barrer en sucette, et pourtant il y avait toujours une solution, ou du moins il fallait l’espérer, parce qu’Akane n’avait pas envie de perdre Hiro à cause du passé de celle-ci. Elle était décidée à l’aider, même si elle ne voyait pas vraiment comment faire dans l’immédiat. Il faudrait qu’elles y réfléchissent toutes les deux, c’était un problème qu’elles devaient affronter ensemble.

Hiro trembla légèrement à l'idée de s'occuper de petits animaux poilus. Le temps n'avait pas arrangé son absence de gout, ou plutôt son dégout de la nature et de tout ce qui la composait. Elle n'aimait pas les animaux plus que ça, de loin ou juste 5 minutes. Or dans une animalerie, il fallait nettoyer la cage, nourrir toutes ses bestioles et veiller à leur bonne santé. De plus, et comparé aux apparences, l'idée de nourrir des serpents avec des souris vivantes lui donnait juste froid dans le dos. Il devait falloir un sadisme violent pour faire ça régulièrement et pire : y prendre un certain plaisir. Non, Hiro était bien mieux dans une ville, loin de toute forme de nature ou d'animaux. Quand à la poterie, l'idée ne lui traversa même pas l'esprit plus d'une seconde tant elle lui semblait surréaliste. De toute façon elle avait l'impression d'avoir eu cette discussion un milliard de fois sans trouver de réponse.

- Hmmm, quelque chose de stressant, qui laisse peut de place à la réflexion mentale, un endroit où on peut être compétitif et quelque chose de ... disons d'honorable.

Hiro fixa le plafond pour réfléchir, toutes ses idées se tournaient vers le secteur économique qu'elle connaissait si bien, mais Etiopia n'avait pas besoin de PDG et à plus petite échelle, le seul bâtiment qu'elle aurait aimé gérer était le bar mais il était déjà à la charge d'une certaine Tii.

- Je pourrais être ... barman ? Non, la présence quotidienne de strip teaseuse et de fille facile bourrée n'irait pas dans le sens où je veux aller... Quel est vraiment le métier le plus stressant dans une ville comme Etiopia.

Hiro s'éloigna d'Akane contre sa propre volonté, elle avait besoin d'un peu d'espace pour réfléchir, ayant déjà l'impression d'avoir vu et revu toutes les perspectives de ce village. A part peut être une qui lui venait à l'idée à l'instant.

- Je pourrais être médecin urgentiste... La manière dont sont prise en charge certaine nouvelle est juste lamentable, y en a même une que j'ai du soigné d'une balle à l'épaule moi même tellement ils étaient incompétent.

Hiro croisa les bras, ne comprenant pas très bien le sens de ce hoquet. C'était si surprenant que ça ? Akane avait peut être peur qu'elle tue ses patients, ce qui finalement n'aurait pas été si surprenant. Elle en avait déjà entendu parlé, certaines personnes travaillant dans des hôpitaux tuaient leurs patients de manière détourner, comme en changeant les draps avec des draps déjà salis par une blessure infectés. Leurs noms étaient quelque chose comme "ange de la mort". C'était très théâtrale comme nom mais en même temps assez bien trouvé. Lucifer n'était-il pas un ange déchu après tout ?

- Dans ce cas-là, tu devras surement suivre une formation adaptée, non ? Enfin, je remets pas en doute tes compétences de survie, mais si ça touche un peu plus à de la médecine traditionnelle alors tu devrais surement envisager une poursuite d’études … Quoique tu décides, je suis avec toi !

- Évidemment que je vais suivre une formation spéciale. On a beau être dans le monde des bisounours, je ne compte pas me ramener demain avec une blouse blanche et lancer : "salut la compagnie, je peux jouer au docteur avec des vrais malades ?" T'imagine le résultat ? Je vais vraiment tuer quelqu'un comme ça, tout ce que je sais en médecine c'est grâce à ma mémoire photographique.

Hiro sourit, cette idée la faisait rire. Elle n'avait pas envie de parler avec Akane de son peu de savoir médical alors elle ne s'était pas étendu sur la question. Elle se souvenait très bien de ce qu'elle voyait, alors tout ce qu'elle lisait se collait dans sa mémoire ainsi que les images, mais elle n'avait jamais étudier la médecine plus que ça. Ensuite elle connaissait le corps humain pour des raisons plus guerrières, elle savaient où était les points vitaux, les grands artères, elle savait faire les premiers soins si quelqu'un se prenait une balle, mais elle ne savait pas soigner quelqu'un réellement. Même à l'époque elle n'était pas le médecin du gang.

- On sait jamais, avec un peu de chance tu vas enfin pouvoir me voir étudier sérieusement. Et puis tu pourras te vanter de moi avec des "ma copine est médecin" au lieu de "ma copine est une peste prétentieuse".

Comme elle n'était pas si rancunière, Hiro avait déjà complètement pardonné à Akane de l'avoir traiter ainsi, c'était plus pour la blague qu'autre chose. Mais elle avait toujours un humour de merde, par contre. En fait elle se demandait juste si son enthousiasme allait tenir sur la longueur.

Hiro leva les yeux au ciel. Jamais elle ne pensait à Akane comme ça, pas comme une fille pauvre. A Etiopia l'argent ne valait plus rien et le coeur et l'esprit d'Akane étaient riches comme pas possible. Et même si elles avaient été sur terre Akane n'aurait jamais été riche aux yeux d'Hiro. Déjà parce que celle-ci aurait trouvé une source de revenu très tôt pour ne pas vivre au crochet de quelqu'un d'autre mais aussi parce qu'elle n'avait rien du "vrai" pauvre. Entendre l'idiot qui est pauvre parce qu'il est incapable d'être riche. Akane avait juste eu une vie difficile qui n'avait pas favorisé un climat de confort comme ça avait été le cas pour Hiro.

- Oui ! "Ma copine est juste parfaite" !

Hiro accompagna Akane dans son geste, s'asseyant de l'autre côté le temps de débarrasser les devoirs. Elle faisait cet effort parce que les devoirs c'est important, pour Akane en tout cas. Sinon elle les aurait traité sans grand ménagement. La seule justification pour maltraiter un papier important était le sexe bestial. Mais elles en étaient très loin à ce moment précis. Non, là elles avaient une discutions sérieuse, d'ailleurs, comme toute discutions sérieuse il fallait une question piège.

- Plus sérieusement Hiro, comment tu me ... définirais ?

Le problème ne venait pas du fait qu'Hiro ne se soit jamais posé la question ou qu'elle n'en sache rien, ou même encore que la réponse soit réductrice. Le problème c'est qu'elle n'arrivait pas à se sortir du crâne l'adjectif "parfaite". Et quand elle essayait fort, une succession d'adjectif mélioratif très nombreux lui venait à l'esprit. Mais ce n'était pas d'éloge dont Akane avait besoin.

- En un minimum de mot je suppose ? Tu es ... Non désolé, tu es beaucoup de chose. Tu es patiente, obstinée, travailleuse...gentille, aimable (ça va avec) mais sans être naïve et crédule. Tu as même des élans de compétition. Tu n'es pas non plus soumise, tu sais diriger, organiser. Non vraiment, je peux continuer longtemps. Tu es ... "la meilleur chose qui puisse arriver dans une vie". Et pas que la mienne.

Hiro faillit répondre "ne dit rien et embrasse moi" mais elle se souvint à temps que le sujet était très sérieux : il s'agissait de l'avenir d'Akane. Après avoir passé autant de temps à s'occuper de son passé et de son avenir, il était largement temps qu'elle s'occupe d'elle même. Même si s'occuper d'elle signifiait s'occuper des autres vu l'évolution de la conversation. Pour être honnête, Hiro n'aimait pas beaucoup cette idée de psychologue. Déjà parce que passer trop de temps avec de cas sociaux finit par avoir des répercutions violente sur le moral mais aussi parce que Hiro n'arrivait pas à se détacher de l'esprit que leur relation était basé sur ce désir d'aide dont elle était doté. Elle n'avait pas envie qu'une autre fille comme elle lui ravisse son Akane. Mais en même temps il s'agissait de son épanouissement et non de sa propre jalousie. Ce qui la rassurait c'était la manière dont elle glissait du "nous" à toutes les phrases. Parce que oui, il était prévu que l'avenir soit composé d'un duo, qu'il soit populaire ou non était autre chose.

- Ah mais on est déjà suuuper populaire ! Bientôt les autographes ! Enfin... c'est un peu étrange d'entendre parler de "duo bienfaiteur". Sauver des vies et être quelqu'un de gentil ou même de bien son deux choses différentes. Enfin je veux dire ... Je ne veux pas ne plus être une connasse, tu sais être un peu comme toi, conciliante, attentive aux désirs des autres, toutes ses choses qui te vont si bien mais que je trouve extrêmement chiant à appliquer.

L'étrange complexité de l'esprit tordu d'Hiro venait du fait qu'elle distinguait deux formes de gentillesse. Il y avait celle qui n'était que l'accomplissement d'une pulsion non négative, comme se baisser pour aider quelqu'un qui a fait tomber quelque chose ou lui tenir la porte et il y avait celle où on prenait sur soi pour vivre en société. Cette deuxième lui était absolument imbuvable, elle admirait régulièrement le courage dont faisait preuve Akane pour ne pas gifler la moitié de la population mondial. Parce que elle, elle en mourait d'envie.

- Mais c'est vrai que je te vois bien psy. Enfin si quelqu'un peut l'être c'est toi. Mais en même temps... Y a plus de cas comme moi qu'il n'y parait et c'est surtout des gens qui ne veulent pas d'aide. Comment tu comptes aider celle qui ne veulent pas de ton aide (et paradoxalement celle qui en ont le plus besoin) ?

Hiro leva les yeux au ciel. Le discours d'Akane avait quelque chose de terriblement immature et enfantin qui ne lui ressemblait pas beaucoup. Peut être que pour comprendre les gens comme Kiralee il faut avoir été soi même une kiralee et qu'autrement on ne peut que s'imaginer quelque chose de faux. Il lui paraissait de toute façon évident qu'Akane aussi devra suivre des études supérieur mais dans son cas en psychologie.

- Encore heureux que tu ne ferras pas deux fois la même chose ! Sinon moi je suis pas d'accord.

Hiro lança à Akane son regard de cocker abandonné, se calant sur son ventre comme un chat des plus flemmards.

- Pour en revenir au sujet, je pense que si elles se rendent compte que tu as "grignoté leur rempart" elle vont se sentir trahie, manipulé et agressé. Si elles ont autant de rempart c'est justement parce qu'elles ont été trahie par quelqu'un en qui elles avaient confiance. Tous types de comportement violent est l'expression d'un mal-être et rien de plus. Par contre, je ne m'en souviens pas très bien mais il me semble que j'avais déjà fait un petit bout du chemin avant de te rencontrer. Sinon je ne serais jamais allé vers toi. Mais c'est vrai que t'as fait du bon boulot. Par contre ça t'as prit beaucoup de temps et d'énergie, tous les jours.

La question que se posait Hiro sans oser la formuler à haute voix était : est-ce que tu serras capable de recommencer ? Parce que si on enlève tous les sentiments et le marché qu'elle lui avait proposé dès le deuxième jour de leur rencontre, elle avait quand même du être là tous les jours, parfois toute la journée, ce n'était pas une mince affaire. Sans compter que ce qui l'avait le plus touchée, à l'époque, c'était justement qu'elle se donne entièrement pour une inconnue et que cette inconnue soit elle. Si elle ne l'avait pas fait, Hiro n'aurait jamais accepté de revenir en cours et elle n'aurait sûrement jamais retrouver le droit chemin.

- Ca sert à ça les études... Non je ne pense pas qu'il y ai de concours d'entrée. Un concours laisserait entendre qu'il y ai un perdant, et ça c'est ... pas Etiopia.

Même si Hiro n'était jamais allé à la fac, elle savait ce que c'était dans presque tous le monde. Au japon c'était en effet un grand stress mais pour les americains aussi. Il n'y avait que les français qui ne se prenait pas la tête mais en échange ils avaient beaucoup d'école technique et très sélecte dont les noms n'évoquait rien à un étranger : BTS, DUT, etc. Mais tous les points commun de ses systèmes sont que la demande est trop importante par rapport aux nombres de place. Tout le monde ne peut faire ce qu'il veut à moins d'être le meilleur. C'était d'ailleurs un des principes du système capitaliste, or Etiopia était dans une optique bien différente, presque plus proche du communisme ou de l'utopie.

- Plus de bagarre ? Tu me demandes de te promettre quelque chose là ? Par principe je ne promet rien à part d'essayer. Et oui, je vais faire un sorte que mon désir devienne une réalité.

Hiro n'avait absolument pas envie de se retrouver à nouveau dans une situation pareil. Mais comme elle ne l'avait pas souhaité à la base non plus, elle ne préférait pas s'avancer dans des envolés de promesse qu'elle ne pourrait pas tenir. Promettre est un performatif, à partir du moment où on l'a dit il devient réalité, c'est en ça qu'on ne peut pas rompre une promesse. Mais plus encore, la promesse donne confiance, elle endort les sens. Et Hiro ne voulait pas que ça arrive, elle ne voulait pas baisser la garde et Akane ne devait pas non plus si elle ne voulait pas être gravement déçu.

- Tu vas pas t'en remettre. Moi, devans un livre et qui ne fait pas semblant de lire. Enfin ça te laissera du temps pour toi. Finis le baby sitting du bébé taille adulte. Tu vas faire quoi du coup si t'as plus à t'inquiéter de moi ?

- Un concours laisserait entendre qu'il y ai un perdant, et ça c'est ... pas Etiopia.

Akane acquiesça mentalement en se redressant, posée sur ses deux mains, la défaite ou l'échec n'étaient pas tellement des notions en vogue à Etiopia. Ca ne voulait pas dire que la réussite était monnaie courante, juste qu'elle était plus facilement atteignable, en raison notamment du nombre limité d'obstacle qu'on pouvait rencontrer.

- Plus de bagarre ? Tu me demandes de te promettre quelque chose là ? Par principe je ne promet rien à part d'essayer. Et oui, je vais faire un sorte que mon désir devienne une réalité. Tu vas pas t'en remettre. Moi, devans un livre et qui ne fait pas semblant de lire. Enfin ça te laissera du temps pour toi. Finis le baby sitting du bébé taille adulte. Tu vas faire quoi du coup si t'as plus à t'inquiéter de moi ?

- Donc tu promets d'essayer, hasarda Akane, et c'est suffisant, et j'attends avec impatience de rencontrer la Hiro travailleuse, c'est vrai depuis le début je ne côtoie que la Hiro qui se la coule douce. Et ne t'en fais pas pour moi, j'aurais bien assez à faire à surveiller les cancres du lycée, travailler mes cours et me renseigner sur ma future voie. Je pense qu'on va pas s'ennuyer dans les mois à venir !

Akane se laissa à nouveau tomber sur le lit. Ce n'est pas qu'elle était déjà fatiguée par le programme à venir rien que d'en parler, mais cette journée avait été longue et riche en émotions. Elle avait eu peur, elle avait été soulagée, elle avait pensé, et finalement elle envisageait enfin une solution à tout cet amas de problèmes. Cette fois, elle avait vraiment une chance d'atteindre son objectif de vie calme et posée. La première étape avait été de pouvoir suivre les cours et travailler sans se soucier de passer pour une fille pauvre ou désespérée. La deuxième c'était celle-ci, décider de son futur. La troisième, ce serait de tout mettre en oeuvre pour réaliser ses projets.

- Fuuu, lâcha-t-elle en étirant ses bras vers le plafond, je sais pas toi, mais moi je commence à fatiguer. Je te propose de ranger tout ça - elle désigna ses affaires de cours qui traînaient un peu plus loin sur le lit - et de dormir.

Hiro se prit l'onde de choc du changement de position d'Akane. Les ventres c'est bien mais quand l'autre est immobile, sinon c'est juste la mort des cervicales. La grande question était de savoir si le sacrifice valait le confort de la position. La réponse fut positive, elle ne bougerait pas.

- Tu vas vite déchanter, Hiro la travailleuse a une caractère de chien.

Quand Hiro essayait de se rappeler le comportement qu'elle avait au quotidien quand elle se donnait à fond dans son travail, c'était plus des souvenirs de solitudes, enfermée dans sa chambre sans aucun moyen de se divertir. Ou plutôt trouvant du divertissement dans des activités comme le karaté qui avec le recul lui semblait bien loin d'un amusement. En fait elle avait appris le sens du mot "s'amuser" avec Kimi. Elle n'aimait pas beaucoup y repenser mais c'était le seul moment de sa vie où elle avait allié travail et plaisir. Et elle n'avait réussi que dans la mesure où elles étaient toute les deux trop occupé pour ne serait-ce que se parler tous les jours, c'était juste un équilibre à trouver. De toute façon Hiro ne céderait pas un morceau du temps qu'elle passait avec Akane. C'était le seul projet d'Hiro vu que devenir le plus jeune médecin urgentiste d'Etiopia n'était pas vraiment un tour de force et que le moteur de la japonaise était le compétitivité.

- Hein ? T'es fatiguée ? Tin je me réveille à peine moi. Enfin t'as raison, avec la journée qu'on a eu ça risque de tomber tout seul.

Hiro ou la narcolepsie incarnée. Elle pouvait ne pas dormir pendant 36h et d'une seconde à l'autre tombé raide. Et vu tout ce qu'elle avait fait aujourd'hui et le rythme sain qu'elle devait prendre, ça ne servait au rien de jouer au plus con avec son corps. D'autant que si elle ne dormait pas il ne lui restait plus qu'à aller au bar. Et aller en cours à moitié ivre et fatigué n'était pas un bon début pour une bonne résolution.

- Bon, le débat entre moi et moi même s'est soldé par un : dodo.

Hiro ramassa les papiers et les posa sur le bureau.

Hiro ricana comme si elle trouvait vraiment amusant d'inquiéter Akane. C'était plutôt de la gène en réalité, elle n'avait jamais souhaité qu'elle se fasse du sang d'encre. Mais c'était arrivé et elle n'y pouvait plus rien si ce n'est veiller à ce que ça ne recommence pas. Le regret et la culpabilité était des sentiments qu'elle connaissait bien et dont elle ne voulait plus être la victime. Plus elle y réfléchissait plus elle en venait à penser qu'on ne pouvait qu'accepter ton passé, à défaut de pouvoir le changer.

- Aucune chance. A la limite un bouquin sur l'anatomie humaine ... quoi que ... non. Ton anatomie m'intéresse beaucoup trop pour ça.

Comment pouvait elle penser à une autre femme quand Akane avait ce genre de comportement tellement mignon ? Tout ce dont elle avait envie maintenant c'était de la serrer fort contre elle et ne plus jamais la laisser repartir. Et même si quelqu'un d'autre arrivait à la toucher, ce qui déjà n'était pas une mince affaire, elle resterait avec Akane. Parce que des gens comme elle il y en avait peu, voir pas du tout, c'était un exemplaire unique. Et il fallait être stupide pour laisser tomber quelque chose d'unique pour un coup de tête ou une belle histoire. C'était Akane qu'elle voulait au quotidien et personne d'autre.
Hiro s'écarta d'Akane à regret pour retourner s'assoir mollement sur le lit, juste à côté. Elle l'attira contre elle, son dos contre son ventre pour qu'elle puisse mettre sa tête dans son cou et l'embrasser.

- Je te veux juste toi. Et toi alors, qu'est-ce qui me dit que tu ne vas pas partir avec la première alcoolique/toxico/nympho que tu croiseras ?

- Aucune chance. A la limite un bouquin sur l'anatomie humaine ... quoi que ... non. Ton anatomie m'intéresse beaucoup trop pour ça.

- Hiro ! lança Akane en rougissant.

Akane se laissa entrainer et se blottit contre Hiro. Elle connaissait le côté dragueur d'Hiro, après tout c'est comme ça qu'elle l'avait abordée au lycée le premier jour, et même si elle craignait ce côté de sa personnalité, elle savait qu'elle pouvait lui faire confiance. Sur ce point au moins, elle pensait pouvoir lui faire confiance. Et en y réfléchissant bien, elle était prête à lui faire confiance pour tout.

- Je te veux juste toi. Et toi alors, qu'est-ce qui me dit que tu ne vas pas partir avec la première alcoolique/toxico/nympho que tu croiseras ?

- Hum ... j'ai déjà donné, commença-t-elle en riant, non plus sérieusement, je suis bien trop fière et trop attachée à ce qu'on a réussi que je n'aurais pas la stupidité de tout gâcher. Te trahir ça serait ... te détruire. Je ne pourrais jamais faire ça, je t'aime trop pour ça.

Akane tourna légèrement son visage vers Hiro, glissa sa main derrière son cou pour l'attirer vers elle et l'embrasser. Pour rien au monde elle ne sacrifierait ça. Ce genre de sentiments, elle les avaient totalement ignorés quand elle était à Seika parce que là bas il fallait qu'elle soit forte et solide, et qu'avoir un copain ou une copine aurait été une faiblesse que les macaques de Seika auraient pu utiliser contre elle. Ici elle était juste une lycéenne parmi tant d'autres, et en tant que telle elle pouvait se laisser aller à être amoureuse.

- Non aucune alcoolique/toxico/nympho ne pourrait avoir autant d'emprise sur moi que toi, dit-elle en rompant leur baiser.

Hiro serra Akane un peu plus contre elle, risquant presque de lui faire mal. Pour elle c'était la chose la plus gentille qu'on pouvait lui dire. De toute sa vie et parmi tous les gens qu'elle avait côtoyer, personne n'avait voulu son bonheur. Les gens voulaient d'abord leur bonheur et si ça amener le sien, c'était un hasard qui ne promettait par une stabilité. Même ceux qui l'avaient aimé ce n'était en fait qu'une illusion d’égoïsme. Alors entendre qu'Akane ne voulait la détruire pour rien au monde, c'était très important. Plus encore, elle était fière de leur relation, des progrès qu'avait fait Hiro et qu'elle s’apprêtait à continuer.
Oui, cette femme était peut être la première personne à l'avoir vraiment aimé un jour. Alors pour rien au monde elle ne serait séparer d'elle une seule seconde. Et pour rien au monde elle ne prendrait encore le risque de tout gâcher alors qu'elle ne pourrait plus jamais trouver quelqu'un d'aussi bien, même si on devait compter les 7 milliards d'habitant sur terre.

-Cool.

Hiro ne trouva rien d'autre à dire, tout ce qu'elle voulait c'était recommencer à l'embrasser, il lui semblait qu'elles avaient un projet en tête avant de s'être lancé dans cette discutions mais elle l'avait complètement oublié. Elle ne s'en souvent que quand un bâillement lui remonta le long des poumons et qu'elle le retint in extremis. Bailler après un baiser romantique était un des pires tue l'amour de l'histoire de l'humanité. En fait elle se sentait tellement heureuse et soulager qu'elle avait envie de partir en voyage avec Akane, à l'autre bout du monde. Bon bien sûr à Etiopia le dépaysement était inexistant mais il y avait quelques cabanes bien rustique et isolé qui pouvaient faire l'affaire. Malheureusement ce n'était pas la saison pour dormir dans un endroit sans chauffage et à l'isolation inexistante. Hiro garda l'idée dans un coin de sa tête pour les beaux jours.

- Jetaimejetaimejetaimejetaime fooooort.

Hiro se frottait contre son cou comme un chat, ou comme un abruti selon les avis. Certain se permettrait même de rajouter un "ça y est, on l'a perdu". Mais c'était aussi bien connu que les gens heureux ne craignent pas d'avoir l'air con.

- Jetaimejetaimejetaimejetaime fooooort.

Tout en rougissant, Akane ne put s'empêcher d'éclater de rire. Elle riait tellement que les larmes lui vinrent aux yeux. La déclaration d'Hiro était mignonne bien sur, mais c'était tellement ... pas Hiro.

- Moi aussi aussi aussi aussi aussi, réussit à répondre Akane entre deux éclats de rire avant de se reprendre, bon je crois que tu as vraiment besoin de dormir, et moi aussi. Les douches sont surement tranquilles à l'heure qu'il est, je vais en profiter pour aller prendre une douche.

Akane se glissa hors de l'étreinte d'Hiro et se dirigea vers le placard pour attraper un pyjama. N'importe qui qui aurait regardé son placard aurait de suite compris qu'elle privilégiait le confort à l'apparence, ainsi elle sortit de son placard un pyjama assez épais et un grand pull à porter par-dessus. Il faisait particulièrement froid ces derniers jours et Akane préférait ne pas s'enrhumer. C'est aussi pour ça qu'elle avait rajouté une couverture dans le lit et calfeutré les fenêtres afin de conserver un maximum de chaleur. Etiopia ce n'était pas la Sibérie, ni même Hokkaido, mais Akane était frileuse.

- Je fais vite, dit-elle en passant la tête par la porte pour vérifier que les couloirs n'étaient pas trop fréquentés - c'était un des signes qui permettaient de savoir si oui ou non les douches seraient bondées.