Tombe la pluie, gronde le tonnerre et l'eau martèle la terre [PV Elleynah]

C’était une journée ordinaire, une journée de plus créée par Dieu le père, à la différence qu’aujourd’hui, il pleuvait. Les gouttes d’eau maculées tissaient des toiles d’araignée entre le ciel et la terre et le tout scintillait à la lumière du soleil qui se cachait en partie derrière les nuages. C’était un incroyable concerto qui offrait des « plic plac ploc » à qui voulait bien les entendre pour autant que l’on s’arrête un instant et que l’on y prête l’oreille. Tout au dehors se retrouvait peu à peu mouillé par la pluie glacée qui venait marteler champs et prairies de sa force tout sauf amoindrie. Et Lola elle était là, emmitouflée quelque part sous sa couette en attendant que l’averse cesse.

Les jours ensoleillés qu’elle aimait tant semblaient bien loin de cette réalité qui s’imposait à elle de force et répondait aux caprices du ciel tout de gris vêtu. C’était un triste jour, au moins aussi triste que les nuages ne l’étaient à en juger par le millier de larmes qu’ils déversaient sur le monde. Elles se répandaient, ces larmes, se frayaient un chemin jusqu’à la terre et venaient l’imprégner de la peine qu’elles renfermaient. Elles se répandaient, se mêlaient à la sagesse qui coulait dans les veines du grand chêne d’Etiopia. C’était un triste jour.

Et Lola elle était là, la tête à peine sortie des draps de soie qui l’enveloppaient. Il faisait froid, et rien au dehors n’incitait la belle à sortir de ce cocon fait de linge de maison. Elle fit une tentative, sortant le menton, elle le rentra pourtant bien vite en sentant l’air frais venir lui caresser le visage à la manière dont le fouet frappe sa cible. Echec. Il n’était pas encore bien tard, on était en milieu de matinée. Pas de travail aujourd’hui mais là n’était pas une excuse valable pour lambiner toute la journée au lit. Mais personne n’était là pour lui faire de remontrances quant à son attitude aussi décida-t-elle de retourner dans les bras de Morphée, au moins le temps que l’eau tombée du ciel cesse sa chute sans fin en direction du sol boueux du village.

Une heure passa ainsi sans que rien ne vienne déranger la belle endormie. Et elle émergea enfin, moins par envie que par nécessité. Le ciel s’étant éclairci, ses pensées firent de même. Elle se leva, non sans peine et colla son front à la vitre teintée de buée. Tout était humide au-delà du matériau transparent qui faisait office de barrière entre elle et l’extérieur. Des rayons de lumière se frayaient un chemin entre les nuages cotonneux et le tout laissait présager un arc-en-ciel fait de rose et de bleu, d’orange et de jaune, de rouge et de violet. Une perspective colorée en somme, une fin colorée pour un début de matinée grisâtre.

Sans doute que…

« C’est le moment ou jamais. », marmonna-t-elle à moitié endormie.

Lola se traîna jusqu’à la salle de bain, enfila un jean et un pull et s’empara d’une paire de converses. Aujourd’hui c’était « casual » avait-elle décrété. Glitter sommeillait quelque part au pays des songes, le temps maussade et l’absence de travail l’engourdissant sans aucun doute. Le mannequin quitta l’hôtel et entreprit de se rendre au jardin japonais dont elle avait entendu parler quelques jours plus tôt. Pour elle qui ne s’était jamais rendue au pays du soleil levant, c’était l’occasion de découvrir un lieu calme et vide de monde. Car si Glitter aimait les foules, Lola ne pouvait pas en dire autant. Oh, n’allez pas penser là que la jeune femme souffrait d’un syndrome de double-personnalité : loin de là. Glitter c’était juste le costume qu’elle endossait chaque jour afin d’avoir la paix. Mais les jours de pluie (comme les rhumatismes) Lola s’éveillait et posait un regard nouveau sur le monde qui l’entourait.

Petite fille dans l’âme, elle pénétra dans ce sanctuaire dédié à la nature et le parcourut de long en large comme pour en déceler le moindre secret. Elle appréciait le calme, le silence et l’absence de la présence humaine. La nature avait repris ses droits et rien ne venait troubler ce havre de paix situé un peu en retrait de la ferveur du village. Jusque-là, quelques rares éclaircies avaient été de mise mais une goutte de pluie puis une autre et une autre encore vinrent changer la donne.

Averse.

La nature croulait sous les trombes d’eau tout à coup surgies du ciel, les arbres ployaient un peu sous la force du vent qui s’était levé et le reste subissait le châtiment qui s’abattait ainsi sur eux. Lola faisait partie de ces derniers. Courant à en perdre haleine, elle cherchait un abri, un refuge, une construction, une trace de l’activité humaine dans ce paradis des plantes. Mais elle n’apercevait rien.

Le rideau d’eau entravait sa perception des choses et de la végétation environnante. Peinant à mettre un pied après l’autre, elle finit tout de même par le trouver, cet abri. C’était le salut, le messie providentiel qu’on lui avait envoyé sous cette cascade de larmes perlées. Haletant, trempée jusqu’aux os, les vêtements collés à sa peau, Lola reprenait son souffle au rythme de la pluie martelant le sol. Elle soupira et comme pour tourner la situation en dérision pouffa silencieusement avant de réciter :

« Haha…tombe la pluie, gronde le tonnerre et l’eau martèle la terre. »