S'oublier [Terminé]

Spoiler:

-Eh bien je regardais l'pape... Enfin, dans le cas présent, c'est peut être plutôt la mère Noel ! Et non merci pour l'aide, j'peux boire un verre toute seule... Ou alors bonjour le foutage de gueule, jsuis pas handicapée des lèvres !

Je la regarde en haussant un sourcil. Mazette, ça c'est de la tirade. Elle doit pas être toute seule dans sa tête, celle-ci, pour débiter autant... Enfin, elle a au moins le mérite de réagir et de pas faire la soumise comme certaines pourraient le faire. Pour moi, la répartie, c'est une qualité indéniable. Il n'y a rien de pire que les gens qui s'écrasent. Je fais la moue, la dévisageant un instant, puis lâche simplement d'une voix morose:


"Cool. Alors enjoy."



Je me désintéresse d'elle aussitôt-dit, tandis qu'on lui sert son cocktail, oubliant quasiment son existence dans les méandres de l'alcool. Je soupire en lançant un regard désespéré à la serveuse. Mon corps est si pesant sur le tabouret, ma tête est si lourde... Je crois qu'au début j'aimais bien être dans cet état. Les premières fois, seulement. Maintenant, je trouve cela quelque peu agaçant de devoir me mettre dans de tels états pour essayer de penser à autre chose qu'à mes hypothétiques problèmes.
Je suis surprise peu de temps après notre dernier contact, car comme si elle-même avait comme moi oublié notre petit accrochage d'il y a quelques minutes, elle s'adresse à moi, l'air de bonne humeur. Du lunatisme en barre, je vous dis.

-Sinon... ça va, mam'zelle?


Je la toise de nouveau, méfiante. Je ne comprend pas trop les personnes comme ça.
Au moins, elle a un sourire sympa, et même plutôt apaisant. Elle mérite peut être pas que je m'enerve, pour changer.

"Question rhétorique, non? Bien sûr que ça va pas. "


Je fais tourner doucement le reste du précieux liquide dans mon verre, l'oeil triste.


"Toi, on dirait bien que ça roule, je demande même pas, vu ta vitalité inexplicable. C'est à se demander pourquoi tu te retrouves au bar à côté de toutes les blasées de service et pas au milieu de la piste avec ceux qui savent encore comment on s'amuse."

Spoiler:

Depuis que Félicia avait quitté la chambre ou on s'était retrouvées elle n'était pas rentrée. C'est pas parce que je ne peux pas la supporter que je vais la laisser se perdre dans ce bled à moitié chelou rempli de gonzesses (parce que ouais je dois avouer que j'ai pas vu un seul mec et pour moi qui traîne généralement avec une "meute" de mâles ça fait tout drôle).

Je suis alors partie à sa recherche après mes petites péripéties journalières peu communes (c'est pas tous les jours qu'on fait trempette dans une piscine gelée avec une nana schyzo qui veut se suicider). Ne vous leurrez pas, je ne cherche pas cette pamplemousse par soucis d'elle, mais tout simplement parce que c'est la seule que je connais ici, et je compte bien trouver un moyen de sortir d'ici et avec elle s'il le faut. Je veux revoir Jaden, Adiel, Israel, et tous les autres.Je finis donc par retrouver sa trace dans une discothèque vers 3 heures et demi du matin. Apres tout c'est le seul endroit qui était ouvert et ou on vendait de l'alcool alors bon... Et puis, j'me suis dit que si elle n'était pas là elle serait forcément crevée dans un fossé et cette idée ne me plaisait qu'à moitié (ça aurait été sur terre j'dis pas... Mais ici, y'a aucun intérêt a la voir clamser.)

Ca y'est, je la vois au loin, elle est complètement déchirée, une bouteille de Vodka à la main (je pourrai le nier autant que je le veux elle ressemble vraiment trop a Israel et elle devient pour le coup très prévisible pour moi). Une nana est assise à coté d'elle. Je sens que ça va mal tourner.Mon flair ne me fait pas faux bond, elle aboie sur l'autre gonzesse qui a l'air de le prendre assez mal mais tente de la jouer cool.Je ne connais pas Felicia mais son géniteur c'est mon père adoptif que je connais comme ma poche alors... Je pense que je devrais intervenir avant qu'elle n'ait pour merveilleuse idée de lui décocher un poing dans la figure.

"Hep' Grognasse! souris pas comme ça on croirait que t'avais envie de m'voir!..."

Je gueule suffisamment fort pour qu'elle percute que c'est moi qui lui cherche des noises...

Je jette un regard mauvais en coin.Je reconnaîtrais cette voix de godiche entre milles. C'est Elara, cette espèce de pauvre cruche, fille adoptive du père qui m'a reniée, qui se pointe pour me chercher des noises. Je suis tellement à l'ouest que je me fais la réflexion qu'elle aurait pu arriver sur une musique de rival à la Pokemon que ça ne m'aurait même pas choquer. Je soupire, et me lève pour lui faire face, grognant.


"Qu'est ce que tu veux, toi? Tu crois pas que j'vois assez ta sale tronche dans la chambre? T'es tellement accro à moi que tu peux pas me lâcher les baskets juste cinq malheureuses secondes?"


C'est vrai quoi, on peut jamais être tranquille ici? Y a des hectares et des hectares à Etiopia, mais cette pauvre nana au QI de moule et à la personnalité proche du néant trouve toujours le moyen de revenir me pourrir mon groove. Faut pas qu'elle s'amuse à me chauffer maintenant que je suis bien ivre, parce que me connaissant je vais bien vite lui rentrer dedans et lui casser une dent ou deux. Or, j'ai pas encore croisé de dentistes sur Etiopia. Alors ça vaudrait mieux pour elle qu'elle jarter aussi sec.

Je la fixe d'un oeil pas très clair, je saute d'un oeil à l'autre, un peu molle dans mes mouvements et mes mots qui se détachent les uns des autres. Comme tout le monde, je suis parfaitement capable d'ingérer de l'alcool et de le tenir en restant dans mon état normal...quand je reste dans des quantités raisonnables. Mais y a des soirs, comme celui-là, ou c'est pas le goût de l'alcool que tu recherches, mais l'ivresse. Ces moments où tu détestes tellement ta vie que tu cherches absolument à te mettre la misère pour un oui, pour un non, pourvu d'oublier un minimum qui tu es et pourquoi tu es.

Je suis on ne peut plus surprise par sa réaction. Je m'attendais à ce qu'elle réplique, comme à son habitude, qu'elle me traite de tous les noms de la terre et que je puisse répliquer. Comme on fait d'habitude, quoi. Je comprend pas qu'elle l'ai pas fait. Elle s'est contenté de m'observer avec un air bizarre, un air qui m'a donné envie de vomir tellement il était étrange. Et puis elle a juste dit un truc du genre "Viens, on va rentrer chez nous."
Chez nous? Chez nous? Est-ce qu'elle se figure que j'aime vivre avec elle?
Ouais, elle doit sûrement penser que c'est un honneur pour moi d'être H24 en la présence d'une pourrie gâtée comme elle, qui me critique sans me connaitre, sans avoir vécu un dixième de ce que j'ai vécu pendant les 17 premières années de ma vie, des combats que j'ai dû mener seule, tandis qu'elle était choyée par ma pourriture de père qui n'avait d'yeux que pour elle alors que moi...

Moi... Il refusait même de me considérer comme sa fille. Il m'insultait d'horribles noms et me jugeait indigne de son affection, ou même simplement sa considération...
Pourquoi elle, ELLE, elle aurait droit à plus que moi? Qu'est-ce qu'elle a de si spécial? Moi, dans ses yeux, je ne vois se reflêter que mes échecs. Une liste interminable d'échec.

Je suis une erreur, une anomalie.

"Chez nous? J'ai pas de chez moi! Ok? Et me dis pas ce que j'ai à faire! Tu veux quoi, jouer les maman avec moi, parce que j'te fais pitié? Tu me dégoûtes! Arrête de me regarder avec cet air de duchesse! De fille sage! T'as rien à m'apprendre! Je le sais que t'es parfaite, que t'as tout ce que j'ai pas! Oublie moi maintenant!"

Je passe à côté d'elle en la bousculant au passage et quitte la discothèque pour la fuir, pour fuir tout ce qu'elle me rappelle.
Dehors, il fait froid. Je sais pas si j'ai plus envie de vomir que de chialer maintenant.