Lorsque les blessures permettent de faire davantage connaissance [Elleynah Den Adel]

Elleynah ne savait pas trop où elles allaient. Elle ne s'était jamais aventurée dans cette partie là du village. Elle se demandait si cette confiance qu'elle accordait au destin était si réfléchit que ça, finalement. De plus, elle sentait un mal aise qui gagnait peu à peu la nouvelle venue. Elle n'aimait pas ça. Elle ne voulait pas qu'elle s'imagine quoi que se soit. Et pourtant, elle savait que ça devenait incontournable. Elles continuaient à avancer, pas après pas, mètre après mètre, faisant régulièrement des pauses, pour reposer la jambe de Pampelune.

- Dit moi Elley... C'est rare voir inexistant que les sous bois sois souvent aussi propre... Il y quelqu'un qui entretient ce chemin?

Effectivement, Elleynah c'était faite la même remarque. Elle avait entendu parler des gardiens... Etait-ce une de leur oeuvre? Elle ne pouvait malheureusement pas répondre à Pampelune, car au fond, elle ne savait pas. Elle regarda la jeune fille et lui sourit. Il y avait maintes raisons qui pouvait faire que le chemin était en parfait état. Mais combien étaient valables..?

- Oui, sans doute.

Elle fit la moue. Elle sentait que Pampelune était de plus en plus nerveuse. En même temps, n'avait elle pas raison? Elle se retrouvait dans un endroit dont elle ne savait rien, avec une fille étrange qui l'emmenait dans un endroit perdu... Elle se mordit la lèvre.

- Ou me conduis tu?

Elle était malheureusement incapable de répondre. Incapable de répondre car elle ne savait pas. Elle ignorait l'endroit où elles se trouvaient actuellement. Et encore plus l'endroit où elle se rendait. Elle avait simplement remarqué que la forêt se faisait de plus en plus dense, et qu'à certains endroit, les ruines des temps anciens jonchaient le sol.

- Je pensais que tu allais m'emmener voir un medecin au village pour soigner ma jambe. Je suis pas sur qu'il y en ai un dans le coin

Malgré la peur qu'Elleynah sentit en elle, elle la vit sourire. Étrange... Et pourquoi n'arrivait-elle pas à répondre? Aucune de ses intentions n'étaient mauvaises! Alors pourquoi..? Soudain, Pampelune trébucha, et hurla. Son cri se répercuta partout autour d'elles. A genoux, la jeune fille commença à pleurer. Elleynah s'agenouilla auprès d'elle, et la prit dans ses bras.

- Chut... Écoutes moi, d'accord? Je ne te veux absolument aucun mal. Si je ne t'ai pas emmené voir un médecin, c'est parce qu'il n'aurait rien pu faire d'efficace dans l'immédiat, pour toi. Je n'ai aucune idée de l'endroit où nous allons, poursuivit elle, alors que sa voix se faisait de plus en plus douce.

Elle caressa la joue de la jeune fille, et l'obligea à la regarder dans les yeux. Dans son beau regard gris/bleu, on pouvait apercevoir tous les paysages les plus beaux et les plus rassurants. Elleynah posa son front contre celui de la jeune fille, qui commençait peu à peu à se calmer.

- Soit sûre d'une chose, Pampelune. Tant que je serais là, avec toi, je te promets que tu ne risqueras plus rien. Plus rien, du tout.

Comme pour illustrer ses paroles, elle déposa un baiser furtif sur la joue pâle de la jeune fille. Elles restèrent ensuite quelques instants, les yeux dans les yeux. Puis Elleynah se redressa, et regarda autour d'elle.

- Je sens que nous devons aller par là-bas... Je vais te porter, d'accord?

- Oui, je veux bien.

Elleynah lui sourit avec tendresse. Elle comprenait les doutes et les appréhensions de la jeune fille. C'était tout a fait normal. Et au fond, si elle lui avait fait confiance d'un claquement de doigt, elle aurait eu du souci à se faire, et surtout beaucoup de chance d'être tombée sur Elleynah, et pas sur quelqu'un d'autre. Pampelune lui prit la main et essaya de se hisser sur son dos. Mais elle perdit l'équilibre, et les deux jeunes filles se retrouvèrent malencontreusement serrées l'une contre l'autre, dans une étreinte aussi agréable qu'involontaire. Pampelune rougit, alors qu'Elleynah se contenta de la poser doucement à terre. Elle s'accroupit ensuite, sans même dire un mot, ses yeux bleus/gris la fixant avec une assurance réconfortante. Elle prit la main de la jeune fille, et passa une nouvelle fois son bras autour de son cou. Elle fit ensuite glisser son propre bras sous les genoux pliés de Pampelune, et compta jusqu'à trois. A trois, elle la souleva. La tête de la jeune femme était collée contre sa poitrine. Ca ne la dérangeait pas le moins du monde. Elleynah aimait le contact avec les autres. Trop longtemps abandonnée, trop longtemps mise à l'écart des autres, elle ressentait aujourd'hui le désir profond de sentir les agréables caresses de la peau douce et chaude d'une femme. Bien sûr, il n'était pas question que la demoiselle se sente mal à l'aise. Bien au contraire. Elle trouvait ça rassurant, d'avoir quelqu'un contre qui se blottir. Ses pieds nus saignaient abondamment à force de se cogner contre des pierres pointus ou même contre les souvenirs de l'ancienne époque qui jonchaient le chemin dans lequel elles s'étaient aventurée. Mais elle s'en moquait éperdument. Elle ne s'en serait presque pas aperçue sans les marques rouges qu'elle laissait au sol. Au fond, c'était un peu comme semer des petits cailloux blancs pour retrouver son chemin. En un peu moins... Poétique. Mais bon, elle faisait avec les moyens du bord. Et avec son sens de l'orientation exécrable, c'était soit ça, soit ce perdre pour risquer de ne plus retrouver un chemin qui n'était que trop précieux pour elle. La compagnie de Pampelune ne lui était pas désagréable, bien au contraire. Mais son coeur battait définitivement pour Mei, et l'idée de ne pas la revoir était tout bonnement inconcevable. Inconcevable et insupportable. Et puis il y avait aussi ses instruments. Elle ne se baladait plus sans sa flûte, à présent. Elle la gardait toujours dans une petite sacoche qui contenait également quelques herbes médicinales, qui ne lui servait que très peu, à cause de son manque incontestable de connaissance.
Elleynah se rapprocha soudain du spectre d'un ancien bâtiment et déposa Pampelune dessus. Elle lui sourit, et baissa les yeux vers ses pieds en grimaçant.

- On fait une petite pause, d'accord?

Elleynah s'assit ensuite aux côtés de Pampelune, laissant ses pieds pendre dans le vide. Le silence était presque total, seulement rompu par le chant des oiseaux, et le glougloutement d'une source proche. Tout ici était apaisant. Le contexte était idyllique. Comme Etiopia toute entière, en fait. Il y avait de la magie de partout, ici. Il suffisait de savoir regarder au bon endroit et de se satisfaire des petites choses que la vie pouvait apporter. Ce n'était pas difficile pour elle qui n'avait rien connu d'autre que la violence. Soudain, la flûte d'Elleynah tomba de son sac. La jeune fille la regarda, horrifiée, dégringoler sur le sol dur. Elle se leva d'un bond et ramassa l'objet comme s'il avait été fait dans le plus beau et le plus fragile des cristaux. Elle tremblait légèrement. Elle porta la flûte à ses lèvres, et commença à jouer, comme pour s'assurer qu'elle n'était pas cassée. Les notes s'élevèrent à travers les ruines. Les oiseaux se turent, le silence devint complet. Seul le bruit doux et touchant de la flûte s'élevait, comme si la nature retenait sa respiration. Elle ne joua pas longtemps. Juste quelques minutes. Mais lorsqu'elle se retourna, elle vit que des larmes coulaient sur les joues de Pampelune, comme si sa musique l'avait touchée. Peu à peu, la vie reprit son cours. Les deux jeunes filles étaient immobiles, face à face. Les yeux de l'une étaient emplis de larmes. Ceux de l'autre, inspiraient autant la joie que la douceur, et qui comme le printemps retranscrivaient une multitude de couleurs indéfinissables.

- Dis moi... Pourquoi souhaite tu m'aider? et pourquoi cela nécessite t'il d'aller dans des ruines qui me semble louche?... et comment peux tu dire que tu penses que c'est par là alors que tu ne sais pas ou tu vas? Excuse moi de te le demander comme ça mais j'ai besoin de savoir...

Elleynah sourit intérieurement. Il était tout à fait normal que la jeune fille veuille savoir. Elle s'approcha d'elle avec lenteur, se hissa sur le rocher et s'y assit, sans quitter la jeune fille des yeux. Une douce brise se leva, secouant ses cheveux ébènes. Dans son regard, une lueur inquiétante apparut. Elle ôta une feuille qui s'était accrochée à sa jambe sanguinolente, et approcha sa main du visage de Pampelune. Elle s'arrêta à quelques centimètres, et replia son bras contre sa poitrine. Finalement, elle soupira et baissa les yeux.

- Tu as peur que je te veuille du mal, n'est-ce pas?

Que Pampelune puisse la croire ainsi l'attristait profondément. Elleynah n'avait jamais voulu de mal à personne. Mais cette crainte était pourtant parfaitement fondée. Il était facile d'imaginer les horreurs que chacune des nouvelles arrivantes avaient pu vivre.

- Dans ce cas, je vais te répondre. Je souhaite t'aider parce que moi, on m'a aidé lorsque je suis arrivée ici. Pour la première fois de ma vie, quelqu'un m'a tendu la main. C'est tellement agréable de sentir que l'on peut compter sur d'autres pour nous épauler... Voilà pourquoi j'ai choisi de t'aider, tout comme j'en ai aidé d'autres avant toi, et comme j'en aiderai d'autres après toi.

Elle marqua une pause, et resserra son emprise sur sa flûte.

- J'ai appris à faire confiance au destin. Il est parfois mauvais avec nous, mais il sait guider les pas de ceux qui croit en lui. Depuis quelques temps, je laisse mes jambes allaient là où il faut. Si nous sommes dans les ruines, c'est donc qu'il y a forcément une bonne raison. Mais j'ignore laquelle. Il faut seulement être patiente, et que tu me fasses confiance. Si tu me demandes de te ramener au village, je le ferais.

Elle sauta sur ses pieds, esquissant une grimace de douleur, et tendit sa main à Pampelune. Un sourire doux éclairait son visage, et dans ses yeux dansait une lueur rassurante.

- Sinon, il me reste des forces pour te porter jusqu'au but qui se trouve à la fin de ce voyage. A la fin de notre voyage.