ELYON KAERA

Il me semble être bélier, astrologiquement parlant. Mais ce n'est pas une certitude absolue. Père et Mère m'ont autrefois raconté que je suis née un lundi de mars. C'est une des seules choses que je sais de mes deux premières années. Devais-je les croire? Je n'avais pas le choix il me semble.

Je ne sais pas grand chose sur moi, si ce n'est que j'ai gagné au grand loto de la vie. Youhouuuu !!! Par contre je sais que la couleur bleue de mes cheveux, je ne l'avais pas en naissant. J'ai passé mes premières années enfermée dans un château : mes parents étaient riches et avaient peur qu'on m'enlève si jamais je sortais du domaine familial. N'allez pas croire que je n'ai jamais vu la nature ! Le jardin était aussi grand qu'un parc naturel. Nous étions au Japon, et les végétaux étaient très beaux. Cependant, tout était artificialisé : de multiples jardiniers hantaient les grandes allées du jardin. Mais je n'avais pas le droit de leur adresser la parole. Pourquoi? Parce qu'ils étaient issue d'un milieu pauvre tout simplement, et que nous, les Kaera, étions de la noblesse.

Le problème vint d'un de ces hommes : Il y avait parmi eux un jeune homme, qui, malgré les interdictions de mes parents, n'avait d'yeux que pour moi, et moi seule, malgré la beauté des femmes de chambres croisables. Tentée, je finis par lui parler, ce qui cassa tout. Du moment que j'étais inaccessible, je ne lui semblai plus "intéressante". Puis un jour j'appris de la bouche d'une des domestiques, que la domestique qui m'était attribuée était sa soeur.

A dater de ce jour, je l'abordai de plus en plus, dans la seule idée d'en savoir plus sur ce jeune homme. Et comme les choses peuvent aller vite, nous nous liâmes d'une amitié indestructible. Au début elle se montrait presque muette, puis je la découvris très bavarde. Elle était juste timide mais c'était également mignon, c'est pourquoi je conservais précieusement en mémoire chaque discussion avec elle,  me félicitant en secret de la mettre à l'aise. Ma curiosité pencha de son côté et, à mesure que les jours passèrent, j'oubliai son frêre. Nos conversations secrètes en général avaient même pour sujet "elle et moi". J'en développais des sentiments inconnus jusqu'alors.

Serah me rapportait des petits plats cuisinés. Ceux ci étaient composés uniquement d'aliments à base végétale mais c'était les meilleurs repas que j'eus jamais dégusté. Je lui demandai pourquoi et elle me parla de comment sont faits les plats habituels, de la souffrance infligée aux animaux à seule fin de satisfaire nos papilles.  Je ne voyais pas beaucoup d'animaux dans la demeure à part quelques animaux domestiques mais je me fis mon idée et Serah me convaint d'arrêter de manger des produits animaux. De là, je me débrouillai pour squatter en douce les cuisines et m'entraîner avec divers recettes que me passait Serah, et j'essayais de cuisiner aussi bien qu'elle. J'annonçais à mes parents mon choix. Ils furent une crise et me demandèrent d'où me venait cette idée farfelue et me montrèrent de me priver de diverses choses si je ne reconçais pas.  Je ripostais en m'enfermant dans ma chambre et en faisant une grève de la faim. Ma mère céda et ordonna aux cuisiniers de s'adapter à mon nouveau choix de vie. Je leur montrai alors deux trois astuces culinaires et en profitais pour concocter quelques plats afin de gagner l'estime et le coeur de Serah,  même si j'avais peu d'espoir.

Un jour pourtant, je reparlais de son frêre, et elle eut l'air de s'énerver, d'être agacée et jalouse. Elle se plongea dans un profond mutisme, me boudant presque, et se forçant à des sourires hypocrites qui me blessaient profondément, jusqu'au fin fond de mon âme. Je lui en voulus de ne pas me parler et en même temps ma peur de la perdre grandit.

Un mois passa. Elle me manquait terriblement, alors que je la voyais tous les jours, à toute heure du matin au soir. Je grimaçais plus qu'autre chose, et perdis tout appétit. Mes parents me forçaient pourtant à avaler mes repas. Un jour je vomis devant eux, et, pour une fois qu'ils me parlaient, à moi, enfant gâtée que j'étais, je les découvris d'une grande cruauté. Mon père échappa quelque phrases concernant ses "affaires" commerciales. Complètement mal à l'aise, je continuais de vomir jusqu'à en avoir la panse complètement vide,  au point de ne vomir que de la bile et d'en avoir l'estomac qui se tordait de douleur. Mon père, éhonté par mon attitude des plus impolies, se releva pour me mettre une grande gifle tandis que ma mère, paniquée, ordonna à un majordome de me conduire au médecin du domaine. Je m'évanouis au milieu des cris entre mon père qui essayais de m'atteindre pour me ruer de coups et ma mère qui se dressait devant moi pour me défendre.

A mon réveil, je me retrouva dans ce lieu qui m'était familier, et à mon plus grand étonnement, en bonne compagnie en plus ! Dans le lit d'à côté dormait quelqu'un que je reconnus bien : ma femme de chambre. Elle était très pâle. Je la savais malade depuis quelques jours, mais elle était apparemment venue veiller sur moi,  au point de s'endormir à mon chevet. Souriant, je fis quelque chose que je croyais ne jamais faire : Je lui volai un baiser pendant qu'elle dormait. Ses lèvres étaitent d'une douceur surprenante. Je n'eus hélas pas trop le temps d'en profiter. Une infirmière arrivait, plantes médecinales à la main, qu'elle laissa tomber au sol en me voyant. Elle se retourna et courut quelque part. Serah dormait toujours aussi paisiblement, je décidai de la laisser là, espérant que le malentendu passerait et lui caressa la tête mais cela fut de courte durée. Elle fut réveillée par un grand cri. Mon père l'appelait

Le lendemain, j'entendis des cris dans le salon, des pleurs, et d'autres paroles ignobles que je divina issues de la bouche de mon père. Quant à Serah, je ne la revis plus. A mon grand étonnement, on me laissa seule à me débrouiller, pour m'habiller, ranger, nettoyer. Celà, je pouvais l'accepter, mais avec Père, ce fut une toute autre histoire : inconsciemment, je commença à lui reprocher tout de sa personne. Surtout quand Maman mourut. Je découvris que sa mort étaient dûe à de violents coups de Père, parce qu'elle avait tenté de me défendre pour que j'aie de nouveau la compagnie d'une femme de chambre. Je savais également qu'il buvait de plus en plus et avait l'alcool mauvais.

De là, je ne céda plus, et changeai du tout au tout. En moins d'une journée, je me teignis mes longs cheveux en bleu, à l'aide de pigments trouvés dans les affaires d'un des peintres engagés par Père pour ne pas être reconnue, m'échappa de par ma fenêtre, et m'en alla. L'épreuve fut autant physique que morale. J'appris à me défendre face aux pervers des rues pauvres. Une grande violence naquit alors en moi, dûe à ces conditions. Un jour on finit par me recueillir, dans une minuscule auberge. Je m'y éveillais dans une chambre, belle et propre alors que la veille je dormais sur un trottoir sale et caillouteux. En me réveillant, le propriétaire de l'auberge me proposa de rester en l'échange de quelques corvées.  J'aidais en cuisine pour les légumes pendant quelques jours et découvris ma vocation de vouloir cuisiner de bons petits plats sans souffrance pour les gens. Cependant cette auberge avait des problèmes financiers et fit faillite. Je me retrouvais de nouveau à la rue.  Alors que je refais,  alors que je croyais que j allais devoir dormir dehors sous un pont,  un portail apparut devant mes yeux ébahis. Je le trouvais tellement beau que je l'ouvris, le traversa et sans le savoir me retrouva téléportée de l'autre côté des grilles, à Etiopia.

Quelque part je ressemble à cette sacrée Serah que j'aime tant. C'est mon ex-femme de chambre au château de Père et Mère et également mon premier et unique amour pour l'instant. En quoi je lui ressemble? J'ai du mal à me mettre à l'aise et à faire confiance aux personnes adultes. Cela se comprend, dans la mesure où j'ai très rarement parlé avec de ces personnes que j'appelle "adultes". Mon âge m'importe beaucoup : j'ai toujours eu cette peur de grandir. Mais comme personne ne s'est jamais moqué de ça, vu que j'étais "une fillette gâtée", je n'y ai jamais fait attention. Peut être sera t-il bon que vous me fassiez des remarques sur mes défauts parfois, sans quoi, naïve que je suis, je n'y prendrais jamais garde de moi-même. Sinon, que puis-je vous dire.... Ah ! Je sais ! J'aime être le centre de l'attention mais parfois des envies de solitude et de ronchonnement me prennent et je peux devenir désagréable. C'est ça, être une enfant gâtée. Sinon, il faut que vous sachiez que je suis une dalleuse, qui adore la bouffe et la nourriture vegane. J'aime que mes plats soient sans souffrance, cela me rappelle ma douce Sarah. Si dans ma brasserie j'ai des clients et que j'arrive à transmettre mes valeurs au travers de bons petits plats,  je serai là cuisinière la plus heureuse du monde et dans ces moments là je suis plutôt mature, douce et bonne à marier que gamine et racaille.

 Depuis peu de temps, mes cheveux sont bleus. Mes yeux aussi, mais ils peuvent changer de couleur selon mon humeur. Ca peut paraître assez...incongru. J'espère bien que c'est le mot. Mais je l'assume. Je porte aussi parfois un serre-tête de la même couleur que mère m'avait attribué. Ayant grandi ne manquant de rien, pas même de nourriture, mon corps n'a pourtant jamais été en sur-poids. Des diététiciennes me suivaient en permanance. C'était très rare à l'époque. Mais ça, je le devais à la richesse de mes parents. Ce n'étaient pas forcément un cadeau : que ce soit pour m'habiller ou pour manger, mes parents décidaient toujours. J'avais une garde-robe très remplie qui est restée dans la demeure de Père et de Mère. Trop lourde à porter. Bref, du moment que j'ai pris ma liberté à l'égard de mon père, j'ai fait de mon possible pour pouvoir changer de style chaque jour. Ainsi on peut autant me voir gothique que punk, lolita, ou je ne sais quel autre style bizarre, qu'il soit sobre, décontracté ou coloré. L'originalité est une force.

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